Des demandes extravagantes qui ont refroidi l’enthousiasme collectif
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Si une majorité de Norvégiens ne semble jamais avoir adhéré véritablement au mantra des «retombées économiques» d’un tel événement, c’est peut-être la publication par les journaux des demandes du CIO qui a fait pencher l’opinion publique du côté des opposants. On apprenait, dans un cahier de 7000 pages de spécifications sur l’organisation de JO d’hiver, les souhaits du CIO. Par exemple:
- L’aménagement de voies spéciales sur toutes les routes susceptibles d’être empruntées par les élites du CIO, avec feux de circulation adaptés pour prioriser ce trafic;
- L’aménagement d’une entrée spéciale à l’aéroport, réservée aux membres du CIO;
- Une rencontre des membres du CIO avec le roi et le premier ministre avant la cérémonie d’ouverture;
- L’organisation, après la cérémonie, d’un cocktail au frais du palais royal ou du comité olympique norvégien;
- Concernant la vente de nourriture, l’interdiction dans toute la ville pour toutes les marques qui ne sont pas commanditaires officiels de rendre visible leur logo (on montrait l’exemple des kiosques à hot-dog de Torino, où aucun logo apparent ne figurait sur les contenants de ketchup et de moutarde);
- La mise à la disposition d’un club pour les membres du CIO, à proximité des principales locations sportives, avec terrasse extérieure, restaurant et lounge destinés à recevoir partenaires, commanditaires et autres invités;
- La mise à la disposition de chambres de réunion pareilles à celles des jeux précédents, c’est-à-dire équipées de tables rectangulaires avec un espace vide au centre;
- L’accès à des repas et des boissons de haute qualité 24h/24h dans tous les hôtels où seront logés les membres du CIO;
… Etc.
La loi de Jante
Dans un pays où le roi même ferait la queue comme tout le monde s’il lui prenait l’envie d’aller s’acheter une saucisse au kiosque du coin, ces demandes ont été perçues comme Unorsk (Unnorwegian), c’est-à-dire contraires à l’esprit norvégien.
C’est l’écrivain Aksel Sandemose qui a énoncé dans son roman Un réfugié dépasse ses limites (1933) une sorte de code de conduite inhérent à l’esprit égalitariste qui imprègne les sociétés scandinaves. Critique de ce trait de caractère, il énonce sa «loi de Jante» sous forme de commandements, parmi lesquels:
tu ne dois pas croire que tu es quelqu’un de spécial; tu ne dois pas croire que tu vaux autant que nous; tu ne dois pas croire que tu es plus malin que nous; tu ne dois pas t’imaginer que tu es meilleur que nous…
S’il est permis de se demander comment des pays qui se réclament de la démocratie comme l’Italie de Berslusconi ou le Canada de Harper ont pu dérouler le tapis rouge pour cette mascarade digne de la visite d’un ancien roi d’Afrique au pays des péquenots, c’était mal connaître la Scandinavie que de croire que ces demandes, rendues publiques, n’en laisseraient pas perplexes quelques-uns.
Retour à Brevik, l’humour du conseil municipal en réponse à l’enflure des JO
Suite aux jeux de Lillehammer (1994), le conseil municipal de Brevik a bien fait rire la Norvège en présentant une demande en bonne et due forme au CIO pour l’organisation des JO d’hiver de 2012. Brevik est une ville d’à peine 3000 habitants dans le Telemark, une région faite de collines plutôt que de montagnes.
Le comité olympique de Brevik affirmait dans sa demande officielle qu’il était bien au fait que 2012 n’était pas une année où devaient se tenir les jeux d’hiver (c’était 2010, 2014…), mais c’était l’année qui leur convenait le mieux, d'ailleurs ils avaient déjà quelque chose de prévu pour 2014…
Pour ce qui est des garanties financières, le comité assurait être en dialogue avec la Fokusbank: «un de nos membres y travaille et nous avons bon espoir d’obtenir un prêt. En attendant, nos associations sportives amateures continuent la vente de gâteaux lors de leurs événements».
Pour finir, le comité olympique de Brevik invitait les membres du CIO le 25 juillet, pour un tour à pied de la ville à partir de la place centrale. Il suggérait également de louer un autobus pour une visite à Lillehammer, afin de «voir ce qui n’avait pas marché, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.»