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Certains pays affirment que les recherches sur les gènes, ainsi que leur mécanisme d’action sur le corps humain, ne devraient pas être brevetable puisqu’ils relèvent de la découverte plutôt que de l’innovation. Selon eux, le chercheur ne met pas sa créativité en œuvre dans la recherche. Pour d’autres pays, les séquences de gènes, lorsqu’elles s’inscrivent dans un contexte innovant, par exemple pour les tests génétiques ou pour les organismes génétiquement modifiées, devraient être brevetables. Pour ces États, l’œuvre du génie génétique remplie le critère de non-évidence.

Derrière ce débat juridique se cachent plusieurs considérations économiques. D’un côté, pour les investisseurs en recherche et développement, le brevet constitue une certaine garantie de pouvoir un jour rentabiliser leurs investissements. Sans cette garantie, ils deviennent beaucoup plus froids à l'idée de financer des projets scientifiques. Suivant ce point de vue, pour que les recherches en matière de génomique se poursuivent, une forme de protection à l’investissement doit être fournie. De l’autre côté, il y a les scientifiques qui travaillent dans leur laboratoire pour découvrir des nouvelles fonctions ou applications aux différents gènes. Leurs ressources monétaires sont habituellement limitées et proviennent majoritairement de subventions gouvernementales. Selon eux, le savoir ne devrait pas être jalousement gardé par certaines compagnies à des fins mercantiles, mais devrait être diffusé gratuitement au bénéfice du plus grand nombre.

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Les enjeux économiques sont certes très divergents. Face à cette réalité, qu’elles sont les balises déterminées par les tribunaux canadiens? Dans l’affaire Harvard (Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2002] 4 R.C.S. 45.), la Cour Suprême du Canada s’interroge sur la conciliation entre le système des brevets et la génétique. Les juges majoritaires concluent que les formes de vie supérieures ne sont pas brevetables, mais qu’il est possible de breveter les formes de vie inférieures, de même que les gènes, à la condition que ceux-ci résultent d’un processus inventif. Il est donc impossible de tout simplement breveter un gène ou un micro-organisme découvert. L’œuvre du génie génétique doit avoir eu lieu pour présenter l’aspect innovant nécessaire à la brevetabilité. Ainsi, le Canada emboîte le pas aux américains qui permettaient déjà aux généticiens de breveter le produit de leurs recherches.

Cette décision a eu pour effet de consolider les brevets déjà octroyés sur des gènes. Elle permet ainsi de protéger l’avoir intangible de propriété intellectuelle revendiqué par plusieurs entreprises ayant investi en recherche et développement dans le secteur de la génétique. Toutefois, cette décision aura l’impact négatif de ralentir la recherche sur les gènes qui ont été brevetés. Lorsqu’un chercheur voudra poursuivre ces recherches sur un gène breveté, il devra obtenir une licence d’exploitation du titulaire du brevet. Malheureusement, les chercheurs indépendants ne possèdent souvent pas les moyens de payer ces droits de licence. Ainsi, la plupart d’entre eux auront tendance à éviter le sujet de recherche et laisseront aux grosses compagnies la responsabilité de faire avancer la science. Ce phénomène souvent évoqué dans la littérature est communément appelé « la tragédie de l’anti-commun ».

De plus, le dépôt de demandes de brevets peut désormais devenir une stratégie commerciale employée par les grosses compagnies pour évincer la compétition. Les petites firmes de recherche et développement n’ayant pas les ressources nécessaires pour soutenir un procès long et coûteux laisseront alors tomber leurs recherches. Ces deux circonstances engendrent des situations bien gênantes où le droit génère un système contreproductif. Dans ces cas, le brevet, qui à la base devait stimuler l’innovation pour le bien collectif, agit plutôt comme frein pour les chercheurs.

Guillaume Lachance

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