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La différence entre une découverte et une invention a toujours été un chaos total pour les instances gouvernementales délivrant des brevets, les avocats et les scientifiques. Depuis l'avènement de techniques davantage poussées, il semble que ce chaos s'amplifie de plus en plus. Le problème est fort simple : la ligne délimitant l'une de l'autre est souvent brouillée, surtout vu la course aux brevets qui s'organisent depuis près de 10 ans dans le secteur des nanotechnologies. L'ampleur est telle que l'USPTO, l'organisme américain s'occupant de la délivrance de brevets, a dû créer une catégorie à part, ce qui complexifie la tâche de l'examinateur chargé d'évaluer la demande. Regard sur 2 mondes qui comportent leurs propres normes et dont le mélange provoque un cocktail explosif en interrogations.

D'abord, rappelons brièvement ce qu'est la nanoscience. Il s'agit de la science étudiant les phénomènes physiques et chimiques provenant de particules se situant entre 1 et 100 nanomètres. Cette grosseur est tellement petite que les scientifiques jouent carrément avec les atomes, les réarrangeant de façon à former des structures possédant les qualités désirées. Par exemple, des nanotubes de carbone, sorte de petits tunnels en ''broche à poule'' repliés sur eux-mêmes, sont de 100 à 200 fois plus résistants que de l'acier, tout en ayant un poids 6 fois moindre pour une quantité équivalente. Ce sont des matériaux semi-métalliques, ce qui leur confèrent une capacité de conduction extraordinaire. Bref, les nanomatériaux changent complètement de comportement moléculaire à cette taille. Par exemple, l'argent, métal plutôt inerte et rarement réactif, devient un agent antibactérien extrêmement efficace dans des proportions micro et nanométriques. De même, plusieurs recherches s'orientent sur l'or qui pourrait cibler et détruire des cellules cancéreuses.

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Face à cet engouement, les scientifiques ont effectué plusieurs demandes de brevets afin de protéger leurs travaux. Toutefois, le problème réside dans la caractérisation des allégués inclus dans la demande de brevets. Comme l'approche de type ''bottom-up'' (à savoir, la construction d'un nanoobjet à partir d'atomes habilement agencés) est très difficile, la plupart des travaux s'effectuent dans l'autre sens, soit l'approche dite ''top-down''. Il s'agit donc de décortiquer graduellement les propriétés propres aux différentes couches moléculaires. La quasi-totalité de ces découvertes sont par la suite brevetées. Dans le système juridique des brevets, 3 conditions sont nécessaires pour qu'un brevet puisse être délivré : l'inventivité, la nouveauté et l'utilité. Généralement, les 2 derniers critères sont rencontrés, mais les examinateurs ont de la difficulté à déceler l'inventivité. Souvent, les propriétés extraordinaires observées par les scientifiques font directement parties des revendications, alors qu'aucune ''touche humaine'' n'a été apportée à un phénomène naturel.

C'est qu'il faut savoir que les nanotechnologies font effectivement parties de phénomènes observés à l'état naturel. C'est dans la suie que se retrouvent des nanotubes de carbone, entre autres. Il n'y a donc aucune inventivité dans la simple caractérisation et observation des propriétés relatives aux nanosubstances. Cependant, les nanotechnologies forment un domaine multidisciplinaire où les champs de la biologie, de la chimie, de la physique quantique se chevauchent continuellement. L'expertise des examinateurs l'est aussi ; l'on a beau créer un système particulier pour l'octroi de brevets, il n'est pas toujours facile de distinguer ce que représente l'inventivité humaine dans les revendications d'un brevet. L'examinateur a beau être ultra-spécialisé, les connaissances requises restent immenses. Aussi bien souhaiter que ces derniers soient pratiquement parlant des être omniscients !

Nous sommes donc face à un gros problème : la protection octroyée pour les brevets permettent à leurs détenteurs de revendiquer leurs droits sur une période de 20 ans. Et comme les substances elles-mêmes sont brevetées à l'ordre nanométriques, leurs applications pratiques en découlant peuvent empiéter sur les brevets, alors que ceux-ci ne portent, en vérité, que sur une découverte. Encore là, bien entendu, il est possible de demander la révocation du brevet, mais celle-ci emporte des coûts extrêmement importants et ralentissent considérablement la recherche en ce sens. Il faut donc continuer de développer des stratégies pour ce domaine très compliqué et penser un système connexe qui permettrait une juste rétribution sans que les critères juridiques soient bafoués sans que les principaux acteurs concernés n'en soient conscients.

Charles-Étienne Daniel

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