La compagnie Monsanto a mis au point un maïs qui exprime une protéine d’origine bactérienne(CryBb1, pour les intimes). Cette protéine lui confère la résistance à la chrysomèle des racines, un insecte ravageur. Le nom de ce maïs : MON863.

En mars 2003, MON863 a été approuvé par le gouvernement du Canada. Selon ce dernier, la protéine Cry3Bb1 ne devrait comporter « aucun risque significatif pour la santé humaine, pour le bétail, les travailleurs ou des tiers »(1). Est-ce que tout le monde est du même avis ?

En 2004, la Commission européenne demande au comité scientifique de l’European Food Safety Authority d’évaluer le MON863. Le comité révise les données de Monsanto et fait refaire, par un laboratoire indépendant, certaines analyses. Le comité conclue que « ce maïs n’était pas toxique pour la consommation humaine et animale »(2).

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Mais au printemps 2005, les média rapportent qu’une étude interne de Monsanto révèle des effets nocifs chez les rats de laboratoires nourris avec le maïs MON863. Cette étude est alors rendue publique après le jugement d’un tribunal allemand. Cette étude fait état que « les rats ayant reçu une diète à base de MON863, ont répondu d’une façon similaire aux rats nourris avec le maïs contrôle (traditionnel) »(3-5).

En mars 2007, le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) publie un article (6), financé par Greenpeace, sur le MON863. Greenpeace les avait contacté pour qu’il fasse une contre-expertise des résultats de l’étude de Monsanto. Aucune nouvelle donnée n’est présentée dans cet article. Aucun test en laboratoire n’a été refait. Le CRIIGEN a repris les résultats de Monsanto pour faire de nouveaux tests statistiques.

Plusieurs nuances doivent être apportées sur les résultats présentés par ces auteurs. Premièrement, leur analyse comporte 494 tests statistiques. Or, lorsque le nombre de comparaisons statistiques augmente, il est fort probable d’observer des différences qui s’avéreront significatives statistiquement. Les différences observées ne sont alors que le fruit du hasard.

Deuxièmement, l’article ne démontre aucune relation dose-réponse, condition nécessaire pour suspecter l’existence d’effets toxiques. Une association statistique entre deux variables n’est pas suffisante pour conclure qu’un lien de cause à effet existe entre celles-ci. Par exemple, si vous étudiez le lien entre le fait de porter un briquet et le cancer du poumon, vous allez trouver fort probablement une association statistique. Cependant le fait de posséder un briquet ne cause pas le cancer du poumon, mais augmente le risque que vous soyez un fumeur et c’est la cigarette qui cause le cancer du poumon. De plus, vous ne trouverez pas de lien dose-réponse entre le nombre de briquet et le risque d’avoir le cancer du poumon. Que vous ayez 1, 2, ou 3 briquets ne changera pas votre risque d’avoir le cancer du poumon. La même chose s’applique pour l’étude du CRIIGEN à savoir que les animaux exposés à des doses plus élevées n’étaient pas plus à risque de développer des problèmes de santé.

Par ailleurs, certaines données montrent que les animaux exposés avaient un poids supérieur aux rats non exposés, ce qui va à l’encontre d’un effet toxique sur le foie ou sur les reins. En effet, les maladies du foie ou des reins s’accompagnent généralement d’une perte et non d’un gain de poids. Bref, malgré l’existence d’associations statistiques entre certains paramètres biologiques et la consommation d’OGM, il est difficile de conclure que ceux-ci causent des effets toxiques sur les animaux exposés.

Suite à la publication de l’article du CRIIGEN, la European Food Safety Authority a analysé l'article de Séralini et al. (2007). Sa conclusion est que l'article n'amène pas de nouvelles inquiétudes et elle maintient sa position de 2004, soit que le maïs MON 863 n'est pas toxique (7). Soit la même conclusion que les autorités allemande (8) et d'un panel d'expert (9).

Références

1.Document de décision DD2003-43 : Détermination de l’innocuité de la lignée MON 863 de maïs (Zea mays L.) résistant à un insecte de Monsanto Canada Inc. Agence canadienne d’inspection des aliments.

2.Statement of the Scientific Panel on Genetically Modified Organisms on an evaluation of the 13-week rat feeding study on MON863 maize, submitted by the German authorities to the European Commission, European Food Safety Authority, October 20, 2004.

3.Lemen, J.K., et al. Toxicology report summary. Summary of Study CV-2000-260: 13-week Dietary Subchronic Comparison Study with MON863 Corn in Rats Preceded by a 1-week Baseline Food Consumption Determination with PMI Certified Rodent Diet #5002. Monsanto Company. St-Louis (Missouri). December 18, 2002. 11 pages.

4.Burns, JM. 13-week Dietary Subchronic Comparison Study with MON863 Corn in Rats Preceded by a 1-week Baseline Food Consumption Determination with PMI Certified Rodent Diet #5002/ Final Report. Monsanto Company. St-Louis (Missouri). December 17, 2002. 1139 pages.

5.Hammond, B., Lemen, J., Dudek, R., Ward, D., Jiang, C., Nemeth, M. & Burns, J. (2006) Results of a 90-day safety assurance study with rats fed grain from corn rootworm-protected corn. Food and Chemical Toxicology 44: 147-160.

6.Séralini, G-E, Cellier, D. & Spiroux de Vendomois, J. (2007) New analysis of a rat feeding study with a genetically modified maize reveals signs of hepatorenal toxicity. Archives of Environmental Contamination and Toxicology DOI: 10.1007/s00244-006-0149-5.

7. EFSA (28 juin 2007) EFSA reaffirms its risk assessment of genetically modified maize MON 863.

8. Bfr (2007)Federal Institut for Risk Assessment. Opinion du 27 mars 2007.

9. Doull et al. (2007) Report of an Expert Panel on the reanalysis by Séralini et al. (2007). Food and Chemical Toxicology 45, 2073-2085.

Pour en savoir plus :

Kuntz, Marcel (octobre - novembre 2007) OGM : un débat usurpé par les rumeurs - Le cas du maïs MON863. Association française pour l'information scientifique. http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article734

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