Si le ciel s’assombrit, que le vent se lève, que le tonnerre gronde, vous vous dites que la meilleure chose à faire est de vous mettre à l’abri, et vite! Mais pour certains, la réaction est inverse : ils espèrent les alertes météo, comme d’autres espèrent le beau temps. Dès qu’ils savent où mère nature va se déchaîner, ils sont prêts à parcourir des kilomètres pour ne pas rater le spectacle. Ce sont des chasseurs d’orages.

Certains comme Guillaume Perron, vont jusqu’à créer leur propre site Internet, où ils font leurs propres synthèses de plusieurs outils fiables, dont les données d’Environnement Canada. « Ce que je préfère, c’est de faire des prévisions. Après, j’appelle la gang et eux partent à la chasse. Quand elles s’avèrent vraies, c’est très gratifiant. » Guillaume a grandi en Afrique et au Moyen-Orient où, très tôt, la puissance des phénomènes naturels le fascina. « Quand toute la famille rentrait, moi je sortais! »

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Pour Éric Tourangeau, c’est l’aspect purement visuel des orages qui l’attire. Il y voit une manifestation artistique, un spectacle. Il a d’ailleurs inventé une échelle pour évaluer... la beauté de l’orage. Graphiste, il a lui aussi bâti un site web, il y a six ans, sur lequel il présente ses plus belles photographies. La majorité consiste en de stupéfiants éclairs qui cisaillent le ciel, colorant la nuit de mauve, de bleu, de vert. « La seule chose dont je n’ai pas besoin, c’est d’un flash! »

Lorsque l’orage est impressionnant, il peut prendre jusqu’à 100 photographies. Et malgré plusieurs « ratés », il dit être souvent contacté par des compagnies américaines qui désirent lui acheter ses photos, pour des calendriers ou des magazines.

Parmi les visiteurs de son site, ils sont aujourd’hui près de 70, la plupart du Québec, à se dénommer « les fous de la météo », et surtout les fous de la chasse aux orages. Environ trois fois plus d’hommes que de femmes. Ils se rencontrent régulièrement en organisant par exemple des barbecues... et à l’opposé du commun des mortels, ils prennent bien soin de choisir une date pour laquelle la météo prévoit du mauvais temps!

Mais comment chasse-t-on un orage? Gaétan Cormier commence par souligner que « ça peut être très dangereux pour ceux qui n’ont pas les connaissances requises ». Une tornade peut causer des morts, mais la foudre ou même la grêle, particuulièrement sur la route, sont également dangereuses.

Premier conseil, si vous voulez prendre des photos : évitez évidemment d’utiliser un trépied, « paratonnerre parfait ». Ne jamais se placer près d’une clôture, ne pas chasser la nuit sans savoir exactement où la foudre va frapper et surtout, savoir se retirer à temps.

Outre leur passion pour les forces de la nature, ils ne cachent pas l’effet grisant d’une bonne dose d’adrénaline. Sa piqûre, Éric l’a contractée lors d’un voyage de pêche avec son père à Brébeuf, à l’âge de 12 ans. Ce jour-là, une tornade leur fila sous le nez puis disparut derrière les montagnes. Le jeune Éric a eu la peur de sa vie et n’a jamais autant trouvé « qu’un pédalo, ça n’allait pas vite! »

« Mais comme sur les coureurs automobiles, le danger a exercé sur moi une fascination qui n’a cessé de croître », ajoute-t-il avec un large sourire.

Le chasseur idéal n’est pas seulement muni d’un appareil photo ou d’une caméra vidéo; il apporte aussi son téléphone cellulaire, en cas d’urgence ou pour communiquer avec Environnement Canada; un ordinateur portable afin de suivre le déroulement de l’orage ou de la tornade en direct sur Internet et ainsi, s’en rapprocher le plus possible; un GPS qui permet de connaître sa position précise; une radio-météo qui émet en permanence les veilles et les alertes d’Environnement Canada; et du « rain X », un produit à base de silicone qui s’applique sur le pare-brise du véhicule... et permet une bonne visibilité, même sous de fortes pluies!

Environnement Canada ne dédaigne pas ces « tripeux », puisqu’ils participent tous à un programme du ministère vieux de 15 ans, pour lequel ils sont des observateurs volontaires de temps violents. Cela signifie que lorsqu’ils remarquent un phénomène météorologique précurseur de temps violent (des nuages en forme de cône qui précèdent une tornade par exemple, ou de la grêle dépassant 2 cm de diamètre), ils doivent le rapporter au Bureau du temps violent d’Environnement Canada, par Internet ou par téléphone.

Jean Morissette, météorologue à Environnement Canada, explique que ces observateurs volontaires sont des intermédiaires très précieux. Leurs observations couvrent une grande superficie (ils seraient entre 600 et 900 au Québec), y compris des endroits isolés où les radars ne peuvent rien capter. De plus, la plupart des phénomènes violents, comme les tornades, sont des événements très localisés, ce qui rend parfois leur détection difficile. Les pluies torrentielles, les vents destructeurs, doivent aussi être rapportés afin de pouvoir établir des statistiques, et ainsi affiner les futures prévisions.

Le programme s’étend aujourd’hui aux services de police, aux personnes travaillant en foresterie et à tout un chacun qui comme « les fous de la météo » aime avoir le nez dans les nuages... et les yeux brillants d’éclairs!

Vanessa Quintal

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