Déterminer à quel moment nos lointains ancêtres ont appris à allumer eux-mêmes un feu est difficile, puisque les traces archéologiques d’un feu, qu’il soit né de la foudre ou de la rencontre de deux silex, sont les mêmes. Mais une récente découverte annoncée cette semaine excite beaucoup les spécialistes de la préhistoire.
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Parce que si le plus ancien feu allumé volontairement date vraiment de 400 000 ans, cela battrait le précédent record de plus de plus de 300 000 ans. En plus de pouvoir être attribué à un Néandertalien, puisqu’à cette époque très lointaine, il n’y avait qu'eux dans ce qui deviendrait un jour l’Angleterre.
L’équipe dirigée par l’archéologie Rob Davis, du British Museum, mène depuis 2013 des fouilles sur un site appelé Barnham qui était en partie occupé, il y a 400 000 ans, par un étang saisonnier. Outre des os d’éléphants, les archéologues y ont trouvé —dès le début des années 1900— des outils de pierre. Mais surtout, plus récemment, des sédiments brûlés et du charbon, signe que des humains y avaient entretenu du feu —on parle de « domestiquer le feu ».
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Mais entre « domestiquer le feu » —qui peut avoir été allumé par la foudre et que ces humains ont soigneusement préservé ensuite— et l’allumer soi-même, il y a une marge. La domestication du feu remonte vraisemblablement à plus d’un million d’années. La véritable maîtrise de l’allumage d’un feu, jusqu’ici, avait été datée de moins de 100 000 ans.
Ce que ces chercheurs ont décrit le 10 décembre dans la revue Nature, c’est une association, dans le même endroit, entre des sédiments soumis à une intense chaleur, des haches de silex et de la pyrite de fer. Ce dernier « ingrédient » est fondamental parce que, si l’expérience démontre qu’avec beaucoup de patience, on peut allumer un feu avec deux silex, ou en frottant deux bouts de bois, en revanche, un minerai de fer de type pyrite, donne des étincelles beaucoup plus efficaces: les minuscules fragments détachés produisent une réaction au contact de l’oxygène.
Or, on ne trouve pas de pyrite de fer dans la région. Les géologues suggèrent donc que ce minerai aurait été apporté délibérément en ces lieux, ce qui ferait de ce lieu, lit-on dans l’étude, la première « preuve directe » d’une « fabrication du feu » aussi ancienne. La pyrite est l’élément qui manquait à l'équation, commente dans la revue Nature l’archéologue québécoise Ségolène Vandevelde, de l’Université du Québec à Chicoutimi, dans un texte analysant cette recherche. En mettant tous ces éléments en commun, écrit-elle, cela devient « un cas très convaincant ».
Les plus sceptiques parlent plutôt d’une preuve « indirecte ». Mais pour un autre archéologue britannique, John Gowlett, de l’Université de Liverpool, ça semble néanmoins « crédible »: une occupation humaine pendant une longue durée au même endroit, et « des preuves répétées de feux », constituent deux bons indices comme quoi ces humains savaient allumer un feu, « parce que les feux naturels ne reviennent pas souvent ». Et rien n’indique que tout ait commencé à Barnham: le savoir nécessaire aurait pu avoir été partagé depuis plus longtemps encore, sur de grandes distances.
Ce qui est certain, c’est que la maîtrise du feu a été une étape fondamentale dans l’évolution humaine. Pour se réchauffer, pour garder les prédateurs à distance et pour faire cuire la nourriture, élargissant du coup la quantité de nourriture disponible, éliminant des microbes nuisibles, et rendant même les aliments plus facile à digérer. Une étape qui aurait contribué à la croissance de nos cerveaux.





