
Les réseaux sociaux remplissent-ils la tête des jeunes avec des idées conspirationnistes? Plusieurs sondages ces dernières années pointent dans cette direction. Mais le Détecteur de rumeurs a constaté que cette question est plus complexe qu’elle n’en a l’air.
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Les origines
Les théories du complot se diffusent évidemment plus vite qu’avant, grâce aux réseaux sociaux. Dans les médias, on répète souvent que les moins de 30 ans seraient plus vulnérables aux croyances conspirationnistes, à la fois parce qu’ils s’informent prioritairement sur les réseaux sociaux (ici) et parce qu’ils ne font plus confiance aux médias traditionnels (ici).
Environ 75 % des Américains pensent que les réseaux sociaux et l’Internet sont les principaux moyens de propagation des croyances conspirationnistes, rapportaient des chercheurs américains en 2021.
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Pour en savoir plus sur l’augmentation des croyances conspirationnistes,
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Les jeunes sont plus susceptibles de croire aux théories du complot? Vrai
Plusieurs sondages publiés ces dernières années, notamment dans le contexte de la pandémie, vont en effet dans cette direction. Par exemple, dans un sondage réalisé au Royaume-Uni en 2020, 26 % des jeunes de 18 à 34 ans pensaient qu’une enquête indépendante et impartiale sur le coronavirus permettrait de montrer qu’on a menti à la population. Cette proportion était de seulement 16 % chez les 55-75 ans.
Un sondage Léger mené en 2023 pour le compte du Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information révélait également que le groupe des 18-34 ans était plus susceptible d’adhérer à différentes théories du complot.
En 2024, des chercheurs canadiens ont publié les résultats d’une méta-analyse regroupant les données de 110 recherches réalisées auprès d’un total de 374 000 personnes. Les auteurs ont confirmé que les jeunes sont plus susceptibles de croire aux théories du complot et que cette susceptibilité diminue en vieillissant. L’effet était « petit », mais « robuste », soulignaient-ils.
Les jeunes s’informent davantage sur les réseaux sociaux? Vrai
Un sondage réalisé en France en 2023 montrait que 60 % des jeunes de 11 à 24 ans consultent les réseaux sociaux pour s’informer. Ils sont également nombreux à utiliser TikTok comme s’il s’agissait d’un moteur de recherche et 40% des utilisateurs de cette plateforme jugent que les influenceurs sont fiables s’ils ont beaucoup d’abonnés.
Une enquête réalisée par l’Union européenne en 2024 conclut également que, chez les jeunes de 16 à 30 ans, 42 % disent que les réseaux sociaux sont leur principale source pour s’informer sur les enjeux politiques et sociaux. On observe le même phénomène au Canada. Selon des données de Statistique Canada, 62 % des 15-24 ans obtenaient leurs nouvelles et leurs informations sur les réseaux sociaux en 2023.
S’informer sur les réseaux sociaux augmente le risque de croire aux théories conspirationnistes? Incertain
Mais peut-on établir une relation de cause à effet entre réseaux sociaux et adhésion aux théories du complot ? C’est là que les résultats sont mitigés. Certaines études semblent effectivement indiquer que les individus ont plus tendance à adhérer aux théories du complot si leurs principales sources d’information sont les réseaux sociaux. Par exemple, selon le sondage réalisé au Royaume-Uni en 2020, les gens qui s’informaient à propos du coronavirus en ligne adoptaient davantage les théories du complot sur la pandémie. Et les jeunes qui s’informaient sur les médias traditionnels étaient plus susceptibles de dire qu’ils allaient se faire vacciner contre la COVID que ceux qui s’informaient sur les réseaux sociaux.
Cependant, tout ce que ces données démontrent, c’est une corrélation et non un réel lien de cause à effet. En 2021, les chercheurs américains cités plus haut avaient tenté de mieux comprendre ce lien en interrogeant plus de 2000 Américains. Ils ont constaté eux aussi que les gens qui utilisaient les réseaux sociaux comme principale source d’information avaient plus de croyances conspirationnistes.
Ils ont toutefois remarqué que les croyances dans les théories du complot étaient adoptées seulement par les personnes qui avaient déjà, au préalable, une pensée conspirationniste. Selon ces chercheurs, certaines prédispositions psychologiques amèneraient les individus à accepter les contenus conspirationnistes qu’ils trouvent sur Internet. En somme, on serait devant une illustration de « l’oeuf ou la poule ».
Les réseaux sociaux ne sont pas seuls responsables de la croyance aux théories du complot chez les jeunes? Vrai
D’autres facteurs rendent en tout cas les jeunes —et sans doute les moins jeunes— plus susceptibles de croire aux théories du complot.
Dans leur méta-analyse de 2024, les chercheurs canadiens expliquaient par exemple que les jeunes ont moins de pouvoir politique que leurs aînés et que, plutôt que de s’engager politiquement, ils préfèrent généralement l’activisme. Or, les mouvements de protestation sociale sont propices à la propagation de désinformation.
Les jeunes ont également moins confiance en eux et ne sont pas satisfaits par le fonctionnement des régimes démocratiques, soulignaient les chercheurs canadiens. Ces deux caractéristiques augmenteraient l’adhésion aux théories du complot.
Par ailleurs, la prédisposition à croire aux théories du complot proviendrait aussi d’un manque d’esprit critique chez les jeunes de 25 à 30 ans, ont observé des chercheurs lituaniens en 2025. D’autres recherches ont toutefois suggéré que le manque d’esprit critique est répandu dans toutes les tranches d’âge et c’est dans ce contexte que des groupes voient dans ce « déficit » un facteur important dans l’adhésion aux fausses nouvelles.
Verdict
L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes peut les exposer davantage aux théories du complot. Toutefois, le fait d’adhérer à ces croyances conspirationnistes dépend également de plusieurs caractéristiques propres à la jeunesse.