Les événements qui ont vraiment changé le monde

Par ailleurs, où ranger dans tout cela les événements du 11 septembre, qui n'ont rien de scientifique, mais ont eu des répercussions tout ce qu'il y a de scientifique: une explosion de connaissances sur le bioterrorisme et la bactérie du charbon (anthrax); (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/cap2210017.html) des projets conjoints entre centres de recherches nord-américains et arabes mis en attente; (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/cap2910018.html) et une atmosphère malsaine, dans certains laboratoires américains, où les mesures de sécurité accrues (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/cap0312013.html) et l'appel au patriotisme se mêlent pour créer un climat qui n'a plus rien de commun avec l'enthousiasme qui régnait l'an dernier à pareille date. Jusqu'à la mission des National Institutes of Health, principal organisme subventionnaire en santé, qui a changé subtilement, alors que plusieurs biologistes et chercheurs médicaux se demandent quelle contribution ils pourraient bien apporter à la lutte contre le bioterrorisme (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/cap15100110.html). On ose à peine imaginer ce sur quoi planchent désormais ceux qui travaillent dans les laboratoires d'armement du Département de l'Energie…

Point positif: plusieurs chercheurs en sciences de la vie ont jeté un œil inquiet sur tout ce qui s'est passé depuis le 11 septembre, et ont constaté que leur science se trouvait dans la même ornière que la physique, lorsqu'a été inventée la bombe atomique: il n'est plus possible à un biologiste, en 2002, de prétendre qu'il ne porte aucune responsabilité dans l'usage malsain qui sera fait de ses découvertes sur des bactéries ou des virus (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/man191101.html). Reste à voir combien de temps cette réflexion prendra avant de dépasser le stade de la… réflexion.

L'événement pseudo-scientifique de l'année
Clone ou pas clone?

A l'évidence, l'annonce de la compagnie américaine Advanced Cell Technology, à la fin-novembre, affirmant qu'ils avaient cloné un embryon humain, était avant tout une opération de marketing. Aucun des "embryons" n'a vécu plus de cinq jours, et aucun n'était composé de plus de six cellules -alors qu'à cet "âge", ils auraient déjà dû en "contenir" une soixantaine. Mais il n'en demeure pas moins qu'ils ont bel et bien cloné quelque chose, et que ce quelque chose, aussi microscopique soit-il, contient un peu d'humain. L'événement scientifique de l'année 2002 sera-t-il lui aussi un clone, mais un micro-poil plus avancé? Et combien d'années faudra-t-il avant que la réalité ne rattrape la science-fiction?

La science de l'année
Génome humain et génome tout court

Oui, le décodage du génome humain figurait aussi dans la liste des événements de l'année 2000. Mais après l'annonce politico-médiatique de juin 2000, il restait à la publier, cette fameuse "carte" de nos gènes. Ce qui fut fait en février 2001, simultanément dans deux des plus prestigieuses revues savantes du monde: Nature (pour la version "publique", gérée par le consortium international Génome humain) et Science (pour la version "privée" rédigée par la compagnie Celera Genomics). Depuis, le travail se poursuit sur les trous qui subsistent dans cette carte et, surtout, on s'est lancé dans la phase deux de ce travail monumental: à quoi servent-ils donc, tous ces fameux gènes?

A ce sujet, nul besoin d'être un grand devin pour deviner que 2002 sera (encore) une année génétique. Entre les trous à combler dans notre génome, la chasse aux protéines produites par nos 30 000 gènes, la prise de conscience du rôle fondamental de l'ARN, ce "messager" de notre bagage génétique, la chasse aux gènes de centaines d'espèces vivantes, la comparaison entre ces gènes et les nôtres, qui réservera sans nul doute bien des surprises, les premiers pas de la pharmacogénétique, ou production de médicaments adaptés à votre code génétique, et les premiers balbutiements de chromosomes artificiels, sans oublier les toujours présents OGM, il y a aura de quoi occuper les pages Sciences des journaux!

La présence de l'année
Réchauffement global

Ce n'est pas à proprement parler un événement, mais celui-là a été omniprésent tout au long de l'année: des glaces qui fondent plus vite que prévu au Groenland (octobre), une végétation qui progresse plus au Nord que jamais en Alaska (juin), quatre espèces d'insectes britanniques chez qui on peut déjà noter des mutations causées par des étés qui commencent plus tôt et finissent plus tard (mai), des oiseaux migrateurs européens qui pondent plus tôt qu'il y a 20 ans, pour la même raison (avril), des océans qui se sont réchauffés d'un demi-degré depuis 50 ans (avril), ce qui, à l'échelle d'une planète, est extrêmement rapide…

Et pendant tout ce temps, des gouvernements qui hésitent à signer des accords sur la réduction des gaz à effet de serre, alléguant que le réchauffement n'est pas encore une certitude scientifique. En janvier, était pourtant déposé le rapport de l'Intergovernmental Panel on Climate Change, organisme chapeauté par les Nations Unies, le plus imposant rapport international sur la question (2000 co-auteurs!), qui concluait sur la "plus grande partie du réchauffement des 50 dernières années était fort probablement causée par l'accroissement des concentrations de gaz à effet de serre".

L'exploit cosmique de l'année
Rendez-vous avec un caillou

En février, la sonde américaine NEAR (Near Earth Asteroid Rendezvous) est devenue le premier engin de l'histoire à se poser sur un astéroïde, appelé Eros. Et de surcroît, un de ces astéroïdes que sa trajectoire pourrait amener un jour à croiser celle de notre planète. D'où l'intérêt à en savoir plus sur sa composition interne, sa masse et sa densité, s'il devenait un jour nécessaire d'essayer de le détourner de sa course...

L'espoir médical
Cœur de métal

Des deux patients qui, en juillet, en ont reçu, l'un est décédé au début de décembre, et l'autre ne quittera peut-être jamais l'hôpital, sauf pour prendre quelques petites marches à l'extérieur. Mais avec ces cœurs de métal, appelés Abiocor, la technologie a fait un grand pas en avant: il s'agit des premiers cœurs artificiels "autonomes" -c'est-à-dire qui ne nécessitent pas que le patient traîne avec lui un appareil grand comme un garde-robe. A long terme, ils pourraient offrir une solution temporaire à ceux qui attendent un organe pour une transplantation. En attendant, quatre autres hommes en ont reçu un cet automne.

La leçon de tolérance de l'année
Tous cousins

Britanniques, Français, Suédois, Serbes ou Croates : si vous remontez de 40 ou 50 000 ans en arrière, vous avez tout au plus 50 ancêtres. Et tous les mêmes. C'est ce qu'ont révélé des analyses de l'ADN d'hommes et de femmes venus des quatre coins de l'Europe. Autrement dit, quelles que soient les origines, la nationalité ou la religion, les séquences génétiques ne trompent pas: tous les arbres généalogiques finissent par converger.

Le pas microscopique de l'année
Cellules ultra-performantes

Alors que la planète entière bourdonnait des annonces du Président américain George Bush sur l'interdiction de cloner mais l'autorisation de financer les recherches sur les cellules-souches, une équipe montréalaise annonçait avoir isolé des cellules-souches ultra-performantes. Une cellule-souche, c'est une cellule qui ne s'est pas encore spécialisée et à qui, pour cette raison, on pourrait, en théorie, "ordonner", en laboratoire, de se transformer en ce qu'on veut -poumon, rein, morceau de peau, etc.

On croyait à l'origine ne trouver de telles cellules que dans des embryons; depuis deux ans, on sait qu'on en a aussi chez des adultes -par exemple, dans la moelle épinière. Or, en août, des chercheurs de l'Institut neurologique de Montréal ont annoncé avoir isolé de telles cellules adultes qui, adéquatement "nourries", ont donné naissance à différents types d'autres cellules (neurones, muscles, graisse). Elles pourraient apparemment garder cette capacité pendant un an. Reste à tester le tout dans des conditions réelles, et non au fond d'une éprouvette…

La panique scientifique de l'année

Anthrax? Botulisme? Peste noire? Variole? Et pourquoi pas la fièvre Ebola? Dans la foulée du 11 septembre, le profane a soudain appris tout un tas de nouveaux mots, ou a découvert que de vieilles maladies pouvaient fort bien resurgir, si un fanatique doté de suffisamment d'argent et d'un bon bagage scientifique s'en donnait la peine. Bienvenue dans le siècle du bioterrorisme…

Lire: http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/cap0110015.html

Et pourtant, on ne peut pas prétendre ne pas avoir été prévenus. Il y a des années que le signal d'alarme retentissait. Mais qui le prenait au sérieux?

Lire entre autres:

Un siècle de bioterrorisme

La controverse scientifique de l'année

L'an dernier, 39 multinationales pharmaceutiques déposaient une poursuite judiciaire contre l'Afrique du Sud, en raison d'une loi de ce pays qui autorise, depuis 1997, la production de copies (ou "médicaments génériques") des médicaments anti-sida. Pour ces multinationales, ce fut un désastre de relations publiques: levée de boucliers à travers le monde, protestations jusqu'à l'Elysée et à la Maison-Blanche… La raison: le sida est désormais une maladie des pays pauvres. Plus des trois quarts des nouveaux malades sont en Afrique. Et les médicaments officiels peuvent coûter à un patient 15 000$ US par an -alors qu'un médicament générique peut ne coûter que 200$ par an. En déposant leur plainte, les compagnies se donnaient donc l'image de l'ogre qui ne pense qu'aux profits, pendant que les miséreux meurent. La plainte a été retirée en avril (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2000/man230401.html). Et le débat s'est aussitôt transporté au Brésil. En 2002, il atteindra aussi l'Inde et la Thaïlande, qui produisent eux aussi des médicaments génériques. Et pas seulement pour le sida, mais contre la tuberculose, la malaria…

La blague de l'année

Le nombre de "crop circles", ces figures dans les champs de blé britanniques dont certains attribuent la création à des extra-terrestres, a diminué en flèche pendant la première moitié de l'année… alors que le gouvernement britannique, pour éviter la propagation de la fièvre aphteuse, avait interdit aux gens de la ville d'aller se balader à la campagne… Les extra-terrestres seraient-ils désireux de ne pas froisser Sa Majesté?