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Et si, plutôt que de se casser perpétuellement la tête sur la définition du journaliste scientifique, on travaillait sur celle du blogueur?

Je pensais vraiment que le débat « journaliste vs blogueur » était terminé, du moins en science. Depuis le congrès Science Blogging 2008, auquel nous avions assisté en Caroline du Nord, des journalistes et des universitaires ont pondu toutes sortes d’analyses arrivant grosso modo à la même conclusion : journalistes et blogueurs, quand ils font du bon travail, font le même travail.

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Et puis, voilà que je tombe sur ce billet qui m’apprend qu’à une rencontre des communicateurs scientifiques de Washington, en avril, les vieux démons sont ressortis du placard : « certains des échanges m’ont donné l’impression d’être transporté en 2007 », s’indigne le scientifique et blogueur Brian Switek. Et je tombe cette semaine sur ce billet du journaliste et blogueur Chris Mooney, qui nous apprend qu’il anime un panel, au congrès des journalistes scientifiques, posant toujours la même question : « Suis-je un journaliste scientifique? »

De quoi conforter les scientifiques blogueurs dans leurs préjugés à l’effet que les journalistes se voient comme un groupe de gens repliés dans leur camp retranché, au milieu d'un territoire hostile.

Et si on définissait plutôt le blogueur?

Tenter de définir qui est et qui n’est pas journaliste, à partir des normes déontologiques courantes (par exemple, attendre d’avoir deux sources avant de publier) est une cause perdue. Des blogueurs suivent ces normes, des journalistes « accrédités » ne les suivent pas. Cela a été dit maintes et maintes fois. On tourne en rond.

Suggestion : pourquoi l’initiative ne viendrait-elle pas des blogueurs? Ne devrait-on pas sentir une petite gêne à l’idée de porter le même titre que ce blogueur américain qui, ce mois-ci, a reconnu s'être fait passer pour une blogueuse lesbienne persécutée en Syrie? Ou ces blogueurs montréalais qui, en 2008, se sont fait passer pour des cyclistes passionnés alors qu’ils étaient des relationnistes payés pour promouvoir les futurs vélos libre-service? Quant aux scientifiques blogueurs, ne sont-ils pas embarrassés à l’idée que leurs adeptes appellent aussi « scientifiques blogueurs » des climatosceptiques?

Il n’y a pas de réponses toutes faites, mais chose certaine, voilà un terrain d’entente possible avec les journalistes. Dialogue assuré.

Parce que les journalistes, en général, ne veulent pas tenir les blogueurs à l’écart. Juste mieux définir qui ils sont, pour aider le public à séparer le bon grain de l’ivraie.

Si se multiplient des imbéciles comme cet Américain qui s’est fait passer pour une blogueuse syrienne, sans réfléchir au coup qu’il portait à la crédibilité des vrais blogueurs tentant de parler des massacres qui se déroulent là-bas, le mot « blogueur » n’en sortira pas grandi.

Tout ceci nous renvoie à une discussion en cours au Québec, sur le « statut professionnel du journaliste ». L’obtention d’un statut légal, tel que recommandé en décembre par le Rapport Payette sur l’avenir des médias, n’a jamais été un enjeu pour journalistes seulement. Les blogueurs sont concernés aussi. Si jamais cette recommandation faisait son chemin et que le Conseil de presse du Québec en venait à obtenir le pouvoir de définir qui est un journaliste professionnel et qui ne l’est pas, ce serait la responsabilité des blogueurs que d’embarquer dans le débat public et de faire leurs propositions sur ce qui serait une « entreprise de presse » parmi la floraison de blogues, cybermédias et autres baladodiffusions.

Et ce serait particulièrement important pour les blogueurs à cause de cet autre enjeu, qui va tôt ou tard les concerner : la paye. Vous savez, cet hypothétique avenir où davantage de blogueurs seront payés pour écrire? Il est temps de commencer à y penser. Parce que les choses ne s’annoncent pas roses : si les journalistes pigistes de demain continuent d’être payés de plus en plus mal, les blogueurs de demain seront logés à la même enseigne.

La paye : voilà un terrain d’entente intriguant pour un dialogue productif entre journalistes et blogueurs, non?

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