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Si vous êtes conservateur, alors vous croyez qu’une loi peut interdire la hausse du niveau des océans.

Bon, d’accord, je suis de mauvaise foi, vous n’y croyez peut-être pas à tous les coups. En fait, je ne pensais pas parler dans ce blogue de cette incroyable nouvelle de Caroline du Nord, parce que ceux qui suivent ce type d’actualités ont déjà eu l’occasion de se taper la tête sur les murs. Mais il y a deux raisons d’en parler.

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D’abord, de quoi s’agit-il. Des politiciens de cet État qui donne sur l’Atlantique ont voulu légiférer —oui, légiférer— sur le fait que l’océan ne peut pas monter de plus de 37 centimètres (15 pouces) d’ici 2100. C’est qu’ils n’aiment pas ces vilains scientifiques qui leur disent que la hausse du niveau des eaux pourrait atteindre jusqu’à un mètre —et s'ils ne l'aiment pas, c'est peut-être parce que la facture serait plutôt salée pour les 20 comtés riverains.

Donc, des politiciens locaux —tous appartenant au parti républicain— sont en train de tenter d’imposer à la Division des services d’urgence de Caroline du Nord qu’elle abaisse son « scénario du pire » (pour 2100) de « 3 pieds à 15 pouces ».

Et que l’océan Atlantique se le tienne pour dit.

Votre cerveau peu scientifique

Si cette histoire paraît incompréhensible aux pauvres mortels extra-Carolinais, il se trouve que deux lectures récentes viennent expliquer scientifiquement ce qui se passe dans un cerveau pour qu’il soit si peu scientifique.

La première lecture est une étude que j’avais déjà mentionnée ici (pas encore parue à ce moment), dirigée par le sociologue Lawrence Hamilton (on peut entendre celui-ci à 23 :45 dans cette émission). L’équipe de l’Université du New Hampshire a comparé, d’une part, des études menées en 2006 et 2010 sur les connaissances (et préoccupations) des gens à propos des régions polaires, et d’autre part, l’idéologie politique de ces gens.

Les résultats, vous vous en doutez déjà : plus vous êtes conservateur et moins vous vous souciez des ours polaires ou de la fonte des calottes glaciaires. Et pire que ça : si vous êtes conservateur et que vous obtenez de bonnes notes à des questions de base sur la science (les électrons sont-ils plus petits que des atomes, etc.), eh bien vous êtes encore moins soucieux de l'océan Arctique et autres broutilles.

La deuxième lecture est un article journalistique du New Yorker, où on reprend les propos du psychologue et prix Nobel Daniel Kahneman sur la façon dont notre esprit fonctionne : peu importent nos connaissances, peu importent les résultats obtenus dans les tests d’admission aux collèges américains (les S.A.T.), notre cerveau choisira toujours la réponse qui lui demandera le moins d’efforts. Ce sera donc, le plus souvent, la réponse qui se conforme à nos croyances.

En langage savant, on appelle ça le biais de confirmation. Dans votre tête, ça se traduit à peu près comme ceci : « je veux y croire, alors, mon cher cerveau, j’aimerais que tu prennes tous les moyens à ta disposition pour m’aider à y croire ».

Des mois avant la nouvelle de Caroline du Nord, Hamilton et ses collègues avaient justement choisi d’illustrer cela dans leur article par la hausse du niveau des eaux. En gros, expliquent-ils, on a demandé aux gens de quantifier leur niveau d’inquiétude à une nouvelle qui annoncerait une hausse future du niveau de la mer de 20 pieds (6 mètres).

Vous avez deviné : plus vous êtes un conservateur qui a obtenu de bonnes notes aux questions de science, et moins ces 6 mètres de hausse ne vous préoccupent.

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