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Voici un premier «dossier» publié sur le site web Éloge de la suite au www.elogedelasuite.net sur l'oeuvre d'Henri Laborit. Le site a été lancé le 21 novembre dernier, date à laquelle Laborit aurait eu 100 ans. Ce premier dossier regroupe quelques documents rassemblés autour d'un même thème, celui du stress et de la filiation Hans Selye-Henri Laborit. Je ne sais pas si je publierai ici d'autres dossiers de ce site, mais je vous mets déjà celui-là pour vous faire connaître le site.

L'un des apports les plus importants d'Henri Laborit est sans contredit le concept d'inhibition de l'action, titre de l'un de ses ouvrages spécialisés et sujet d'un article d'Edward Kunz publié cette année (2014) dans Dialogues in clinical neuroscience . Or ce concept a été élaboré à partir des travaux fondateur de Hans Selye sur le stress. Selye, qu'on nomme à juste titre le «père du stress», a travaillé à l'Université de Montréal durant pratiquement toute sa carrière. Il a été, durant les années 1930, le premier à élaborer un modèle de cette réaction non spécifique de l'organisme à toute forme d'agression. Modèle que Laborit a par la suite inscrit dans une perspective évolutive plus large, comme réaction organique devant une menace lorsque la fuite ou la lutte deviennent impossible, avec des conséquences potentiellement néfaste pour la santé si cette inhibition dure trop longtemps.

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Les deux hommes se connaissaient bien et entretenaient des rapports cordiaux comme en témoigne un extrait d'entrevue d'environ 5 minutes avec Laborit tourné pour le film Pour l'amour du stress, réalisé à l'ONF en 1990 par Jacques Godbout.

Le film étant disponible ici sur le site web de l'ONF, vous pouvez donc l'écouter en entier pour mieux connaître la vie et les travaux de Selye. Mais si vous voulez simplement regarder l'extrait avec Laborit, vous n'avez qu'à avancer jusqu'à 36:05.

L'extrait est «succulent» à plusieurs égards. D'abord parce que Laborit y relate les congrès auxquels il était invité aux États-Unis où il se tenait avec Selye le polyglote car la langue de Shakespeare n'était pas la force de Laborit...

Ensuite pour la communauté d'esprit entre les deux personnages qui tous deux ont mis l'accent davantage sur le «terrain» (à la suite de Claude Bernare) plutôt que sur le «microbe» (comme Pasteur). Pour leur complicité évidente aussi, lorsque Laborit raconte que lorsqu'il a confié à Selye qu'à cause de son intérêt pour la multidisciplinarité on lui reprochait de faire de la philosophie, Selye lui aurait répondu:

«Des faits ils en veulent, alors on leur en donne, mais la seule chose qui compte, c'est les idées qui sont derrière...»
Finalement quand Laborit s'étonne de deux choses: d'abord qu'un scientifique et qu'un penseur comme Selye n'ait pas eu le prix Nobel; et d'autre part, que ça l'ait tant déçu de ne pas l'avoir, ce qui fait dire à Laborit, perplexe:
«Comment un type de cette ampleur intellectuelle pouvait-il encore croire à ces pendrouilles qu'on vous accroche autour du cou, etc...»

Par ailleurs, cette amitié entre Laborit et Selye, j'ai été à même de la constater lors de mon passage aux Archives Laborit en 2009 et 2012 pour préparer le film associé à ce site. Ayant alors accès à la correspondance privée de Laborit, je suis tombé sur quelques échanges épistolaires entre Laborit et Selye.

D'abord une lettre de Selye à Laborit daté du 30 septembre 1960 (cliquez ici pour le haut de la page, et ici pour le bas). Selye dit avoir reçu le seul ouvrage de Laborit édité en anglais aux États-Unis (et cela, on l'apprend dans une autre lettre envoyée cette fois-ci par Laborit à quelqu'un qui lui en faisait la demande). Selye demande surtout à Laborit de lui indiquer les points importants à faire ressortir de l'ouvrage dont Selye doit faire une recension, arguant qu'il y a trop de choses intéressantes pour l'espace qui lui est alloué! On peut encore d'ailleurs trouver une trace de cette recension sur le Net: Stress and Cellular Function by H. Laborit (review by Hans Selye) (malheureusement pas accessible gratuitement), de même que quelques copies encore en vente.

Un peu plus de deux ans plus tard, le 19 janvier 1963, Selye écrit à Laborit qui vient de lui envoyer un exemplaire dédicacé de son livre Du soleil à l'homme . Selye écrit qu'il l'a regardé rapidement et qu'il a bien hâte de le lire.

Voilà un peu le genre d'éléments un peu plus original que ce qu'on a l'habitude de lire sur Laborit que j'aimerais apporter sur ce site. Rien de complètement nouveau, mais des petites perles oubliées pour les «historiens amateurs» du bonhomme comme moi...

Et si vous êtes de ceux ou de celles-là, restez à l'écoute: d'ici quelques jours, la suite de ce chapitre sur le stress avec une correspondance Laborit-Andrée Yanacopoulo, auteur de Hans Selye ou la cathédrale du stress (1993).

En terminant, la page Wikipedia française et anglaise sur Selye (cette dernière documentant les liens qu'a eu Selye avec les compagnies de tabac à partir des années 1950).

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