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Alors qu’enseignants, parents et élèves forment des chaines humaines autour des écoles de quartier en scandant «Sauvons notre école publique» et que les syndicats promettent des moyens de pression de plus en plus radicaux pour faire valoir leurs revendications, trois universitaires présentent un ouvrage sur Les fondements de l’éducation chez MultiMondes. « Nous avons voulu regrouper les grandes idées qui ont marqué l’histoire de l’éducation depuis l’Antiquité. Mais évidemment, en moins de 460 pages, cela demeure très synthétique », explique Marc-André Éthier, professeur à l’Université de Montréal. Avec deux universitaires, David Lefrançois et Stéphanie Demers, le didacticien a dirigé l’équipe d’une douzaine d’auteurs qui signent l’ouvrage.

D’entrée de jeu, les codirecteurs proposent un retour historique sur les premières écoles. Quel humain former? Pour quelle société? Avec quels savoirs? Sous le contrôle de quel pouvoir? Ces questions accompagneront les éducateurs à toutes les époques. Depuis Socrate, qui aurait « introduit l’idée d’une autonomie de pensée donnant accès à une connaissance qui n’est plus seulement liée à une autorité transcendantale », jusqu’à Pierre Bourdieu, qui critiquait l’école comme un lieu de reproduction des classes sociales, chaque époque redéfinira les paramètres de la bonne école. Durant la Révolution industrielle, Marx et Engels lui attribueront des rôles dans la construction des idéologies. « Certes, dans les sociétés capitalistes, l’école peut servir à former les élèves pour qu’ils soient plus productifs (en tant que salariés ou en tant que patrons). Cependant, sa nature exprime d’abord les intérêts irréconciliables des principales classes sociales, dans la mesure où l’activité de l’école a en particulier pour effet de cautionner l’ordre social, par exprès ou inconsciemment », écrivent les auteurs dans leur survol historique qui vaut le déplacement (p. 33).

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Les huit chapitres suivants (sur des thèmes allant de l’influence de la philosophie dans le système scolaire à la discrimination à l’école) sont construits sur le même modèle : après la reproduction de deux ou trois articles tirés de quotidiens québécois (principalement Le Devoir et La Presse), on présente l’état de la question sur une trentaine de pages. Les textes fondateurs (« canoniques ») suivent. Le tout se complète d’une bibliographie commentée. Dans le chapitre sur la pensée critique que doit développer l’institution scolaire, on évoque la culture scientifique.

Les écoles actuelles sont-elles meilleures que celles d’autrefois? En bon universitaire, M. Éthier refuse de répondre par un oui ou par un non à cette question gigantesque. Si le Québec a relevé le défi de l’accessibilité – mais on note un recul depuis quelques années en vertu du fort taux de décrochage – il a fait de son système scolaire un grand laboratoire de réformes. Heureuses ou pas, celles-ci ont certainement démontré que les facultés de sciences de l’éducation ont pris à cœur les fondements de leur « science ». Et puis, avant de trancher qualitativement, il faudrait identifier ce qu’on cherche : le point de vue sociologique, historique, didactique?

Dans une postface de Maurice Tardif écrite comme un éditorial, on dénonce la « précarisation du travail enseignant » et « l’école dans le giron de l’économie ». C’est un plaidoyer en faveur de l’école publique québécoise. « L’école québécoise des années 2000 est injuste pour une part importante des élèves et leur famille, car elle fonctionne désormais à deux vitesses, plus particulièrement au secondaire en milieu urbain. (…) Nous avons, d’un côté, des écoles privées et des écoles publiques ennoblies et distinctes qui s’accaparent les clientèles scolaires issues de familles ayant des ressources économiques et culturelles supérieures à la moyenne, tandis que, de l’autre côté, de nombreuses écoles publiques doivent gérer des effectifs d’élèves en difficulté, d’élèves en situation d’échec ou de décrochage, d’élèves pauvres et d’élèves provenant des communautés ethnoculturelles pauvres. »

Mathieu-Robert Sauvé

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