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En janvier 2016, un des plus gros jackpots de l’histoire atteignant 950 millions de dollars de la loterie américaine Powerball a été mis en jeu. Que choisirait de faire l’heureux gagnant s’il raflait le gros lot ? Contre toute attente, un américain interrogé au hasard par la chaîne télévisée Fox 5 Las Vegas a répondu : « un tas de prostituées et de la cocaïne ».

Cette réponse surprenante amène à la réflexion. Alors que les conséquences liées à la consommation de cocaïne et aux jeux de hasard et d’argent sont deux problèmes de santé publique connus, les connaissances sont limitées quant aux liens entre la consommation de cocaïne et les problèmes de jeux. Des chercheurs québécois se sont penchés sur cette question encore peu étudiée et se sont demandés à quel point les consommateurs de cocaïne ont des problèmes de jeu et vivent des conséquences négatives relatives à cette pratique. Les résultats de cette recherche permettraient de mieux outiller les intervenants et les centres communautaires dans leurs interventions auprès de cette population vulnérable.

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La professeure Magali Dufour et ses collègues de la Chaire de toxicomanie ont réalisé cette étude originale auprès de 424 consommateurs réguliers de cocaïne par injection ou fumeurs de crack du centre-ville de Montréal qui fréquentent un centre d’aide communautaire. Chaque entrevue d’une heure et demie a permis de déterminer le profil des participants quant aux activités de jeux de hasard et d’argent, aux problèmes de jeu, à la consommation de drogue et d’alcool et à certains problèmes de santé mentale.

Les jeux de hasard et d’argent chez les consommateurs de cocaïne

Fait surprenant, plus de la moitié (56,6 %) des consommateurs de cocaïne ont participé à des activités de jeux de hasard et d’argent lors de la dernière année. Les jeux les plus populaires sont, dans l’ordre, les billets de loterie, suivis des prix instantanés ou cartes à gratter, appelées aussi « gratteux », et des appareils de loterie vidéo dans les bars. Ces données corroborent des études réalisées précédemment. Ces jeux de hasard et d’argent étant facilement accessibles et à bas prix, ils deviennent des cibles de choix pour une clientèle vulnérable.

Même si pour la plupart le jeu reste sans danger, c’est presqu’un consommateur de cocaïne joueur sur cinq qui vit des conséquences négatives relatives aux jeux de hasard et d’argent. Il peut s’agir par exemple de difficultés financières pour le joueur ou sa famille ou encore de problèmes de santé comme le stress ou l’anxiété. Il y a donc lieu de se préoccuper des problèmes de jeux chez les consommateurs de cocaïne.

Des facteurs de risque ?

Une découverte intéressante concerne les facteurs de risque liés au jeu chez les consommateurs de cocaïne. Les chercheurs ont trouvé que l’envie irrépressible de s’adonner à des jeux de hasard et d’argent en réaction à un événement douloureux, une perception erronée de ses chances à regagner l’argent perdu et la perte d’un gros montant d’argent, sont des facteurs de risque que l’on retrouve chez les consommateurs de cocaïne qui vivent déjà des conséquences négatives relatives aux jeux de hasard et d’argent.

Dépister et traiter les problèmes de jeux de hasard et d’argent

Cette étude met en avant les difficultés d’accès aux programmes de réduction des risques liés au jeu pathologique de la population consommatrice de cocaïne. Pourtant, dans cette étude « un consommateur sur cinq souffre de conséquences sur sa vie dues aux jeux de hasard et d’argent. Il est donc crucial que les programmes d’aide pour consommateurs de cocaïne adressent la problématique des jeux de hasard et d’argent » explique Magali Dufour, auteure principale et experte en jeu pathologique dans la revue spécialisée Journal of Gambling Studies.

L’équipe de chercheurs insiste surtout sur l’importance de dépister et traiter les problèmes de jeux de hasard et d’argent chez cette population vulnérable consommatrice de cocaïne par injection et/ou de crack. D’ailleurs, les auteurs rappellent que d’autres spécialistes du domaine avaient déjà tiré la sonnette d’alarme en 2013 : « les recherches menées par Holdsworth et Tiyce ont déjà souligné la nature secrète des problèmes de jeu, provenant peut-être du sentiment de honte et de la stigmatisation associée à cette pratique, ce qui souligne l’importance d'engager des efforts proactifs pour les détecter ».

Cette étude est une des premières à mettre en avant cette problématique d’actualité encore trop ignorée et encourage l’amélioration de la prise en charge des consommateurs de cocaïne en matière de jeu pathologique.

- coécrit avec Marc-Antoine Nolin

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