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(Crédit photo : Pixabay / montage : Victor Lhoest)

Un nouveau record a été battu par la Slovène Alenka Artnik au mois de novembre qui a plongé en apnée à 114 m de profondeur, en monopalme poids constant. Cette épreuve, qui consiste s’immerger et remonter vers la surface le long d’un filin en conservant le même lest nécessite un entrainement rigoureux pour que le corps s’adapte à ces conditions extrêmes. Plusieurs mécanismes d’adaptation entrent en jeu pour résister aux grandes profondeurs et au manque d’oxygène.

L’apnée n’a a priori rien de naturel pour notre corps. Immergé dans l’eau, l’Humain doit gérer le non-renouvellement de l’oxygène : on entre alors dans une condition hypoxique. Pour y répondre, le corps dispose d’un ensemble de réflexes physiologiques.

Au moment d’entrer la tête dans l’eau, le premier réflexe du corps est appelé réflexe de plongée ou réflexe d’immersion. L’article de Paule-Émilie Ruy paru dans le magazine scientifique étudiant JS MAG détaille les étapes subies par le corps lors de la descente. Le premier effet — progressif — provoque un regroupement du sang autour des zones vitales au détriment des mains et des pieds, un ralentissement du rythme cardiaque et une contraction de la rate pour libérer des globules rouges et ainsi faciliter le transport de l’oxygène dans le sang. Cet « interrupteur central du corps » est la première étape.

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Puis, plus les apnéistes vont dans les profondeurs, plus leur corps se met en mode survie. À  -40 m de profondeur, 10 à 20 % du volume sanguin est réquisitionné pour alimenter les poumons en volume sanguin afin de les protéger de la pression. Ensuite le cerveau, lui aussi est atteint par les effets de la profondeur. À -60 m, la narcose, connue sous le nom d’ivresse des profondeurs, fait divaguer l’esprit. Enfin, autour de -100 m, palier franchi par l’apnéiste Alenka Artnik, les poumons occupent 1/11 e de leur volume initial.

Pour atteindre son record, l’apnéiste slovène a confié à l’AFP pratiquer l’apnée depuis l’âge de 5 ans. Et ce n’est pas la seule à témoigner de la longue préparation nécessaire à ce type d’effort. L’apnéiste Stéphane Mifsud, recordman d’apnée statique, confirmait au magazine science et vie que l’apnée était un sport de patience. « L’apnée est un sport d’adaptation qui demande des années d’entrainement. En réalité́, mon corps est comme une voiture qui s’apprête à faire un long voyage : il faut remplir au maximum le réservoir d’essence et ensuite consommer le moins possible ».

Repousser les limites

Le corps à ses limites que la tête ignore. Si l’idée de plonger au plus profond sans oxygène semble folle, nos capacités physiques sont en réalité capables de répondre à des exigences quand l’entrainement est adéquat. Il y a des facteurs techniques, mais aussi mentaux qui entrent en jeu pour dépasser ses limites. Dans le livre « L’apnée : De la théorie à la pratique » (éditions PURH), Éric Clua met en avant dans le chapitre 3 les facteurs qui influencent la performance pour l’apnée.

Pour les champions d’apnée, le contrôle partiel des réflexes physiologiques est possible grâce à la pratique. Les athlètes peuvent mieux maitriser la consommation d’oxygène par le cerveau et ainsi accommoder leur corps à ce type d’effort. Mais l’entrainement ne doit pas être trop intense pour laisser au corps le temps de récupérer.

Le travail technique a aussi un rôle dans la performance. Dans le cas d’Alenka Artnik, la plongée en monopalme, il faut optimiser la nage entre dépense d’énergie et puissance produite.

L’esprit aussi doit être prêt. Les apnéistes comme les autres sportifs doivent faire preuve de volonté et garder leur calme. L’accélération cardiaque entraine une plus grande dépense du sésame que représente l’oxygène dans cette discipline. Alors l’acquisition d’une bonne gestion du stress et la relaxation mentale sont autant de paramètres que les athlètes doivent travailler pour ressortir de l’eau.

 

Dans la tête des pratiquants : les quatre phases

Dans au cours de ses recherches pour comprendre la motivation et l’organisation des pratiquants d’apnée Mary Schirrer a interrogé des apnéistes. L’analyse de leurs témoignages a permis de détacher quatre phases de l’apnée par lesquelles passent les adeptes de ce sport. Elle explique qu’une fois dans l’eau, le pratiquant entre dans une phase de confort propice au relâchement mental. C’est dans la phase deux que les premiers inconforts se font sentir. Dans la phase trois, l’effort est douloureux. La volonté est déterminante pour passer ce cap et accéder à la phase quarte. Cette dernière est une véritable lutte entre les signaux envoyés par le corps et la volonté du pratiquant. C’est une phase très risquée puisqu’elle peut basculer vers la perte de conscience.

Victor Lhoest

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