Jean-Louis Allard 2.JPG

Occuper un modeste emploi offre parfois l’occasion de faire des rencontres intéressantes dont certaines peuvent s’avérer des plus significatives pour la trame de notre vécu personnel. L’une de mes amitiés s’est tissée de cette façon. 

Au milieu des années 1980, j’ai commencé à travailler comme commis d’une petite épicerie appartenant à mon beau-frère. Un jour, un client d’allure très timide, que je voyais régulièrement, se décida à me demander ce que je faisais mis à part ce boulot. Étant dans le début de la vingtaine, je n’avais pas encore complété mes études universitaires. En retour je lui ai demandé quelle était son occupation. Il me répondit qu’il était retraité et qu’il enseignait autrefois la physique à l’Université de Sherbrooke. Ce fut le début d’une amitié entre Jean-Louis Allard et moi.
Jean-Louis Allard est né à Amos le 19 mai 1928. Il était le fils d’Adrien Allard et d’Amélie Gosselin. Après des études primaires à Saint-Raymond de Portneuf, il fait son cours classique à Mont-Laurier puis s’engage dans le corps d’aviation canadien où il se spécialise en électronique. Par la suite, il décide de s’inscrire en 1950 à un programme de cours en physique à l’Université de Montréal où il obtient son baccalauréat ès sciences 4 ans plus tard. Il termine ensuite son engagement au sein de l’aviation à titre de responsable technique des radars de Parents, au Québec, puis de la base militaire du Lac-Saint-Denis de la ligne Pinetree avant de retourner à l’état civil en 1957. Il étudie une année à l’Université McGill et l’année suivante il est chargé du laboratoire acoustique chez Canadair. En 1959 il entreprend des études à l’Université de la Colombie-Britannique et il obtient une maîtrise ès arts en 1961. De 1961 à 1965, il contribue à la mise en œuvre du centre de calcul de cette université et enseigne au service « extension de l’enseignement ». Cette même année 1965 et se rend à Ottawa faire un court stage à l’Observatoire du Dominion (l’Observatoire fédéral). À partir de 1966 il devient professeur adjoint au département de physique de l’Université de Sherbrooke enseignant principalement la physique mathématique. Il occupe cette fonction jusqu’en 1974. L’année suivante après une année de réflexion sur divers problèmes en physique des particules, il décide de consacrer entièrement son temps en recherche libre. Il conçoit alors un modèle fluidique de particules guidé par ses travaux sur l’électron.
Lors de notre première rencontre en 1985, il poursuivait ses recherches théoriques. Très vite après avoir fait connaissance, il y avait décidé de me parler de ses travaux. J’ai trouvé ses idées intéressantes et originales. Malheureusement j’avais déjà suffisamment de connaissances en physique pour voir que certains aspects de ses conceptions ne pouvaient s’accorder avec certains résultats expérimentaux. Lui comme moi nous savions par exemple que les résultats qui aboutissent au modèle des quarks invalidaient son modèle pour les nucléons (les protons et les neutrons qui sont les particules constituantes du noyau des atomes). Quand je lui en ai fait la remarque, son regard s’est assombri et je le voyais alors plongé dans l’un de ces moments de découragement.
De nombreuses fois nous avons parlé de physique. Il me raconta ses tentatives de faire publier ses travaux dans des revues à comité de lecture qui se soldèrent par des échecs. Il avait bien sûr discuté de ses idées avec quelques personnes. Sept ans plus tard, en 1992, il a mis un terme à ses recherches.
Je me rappelle encore nos conversations au téléphone qui commençaient en début de soirée et qui se poursuivaient toute la nuit pour se terminer à 5 ou 6 heures du matin. Il m’avait fait don de toute sa collection des numéros de la revue « La Recherche » qui s’étendait de 1970 à 1978 et que je conserve toujours, mais son legs le plus précieux a été de me confier un exemplaire de ses travaux de recherche qui seront peut-être exhumés un jour pour constituer un autre chapitre de l’histoire des sciences…
 
 
 
 
 
Je donne