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Les pays se réunissent pour parler des problèmes, montrent de bonnes intentions, signent des accords internationaux, mais tardent à entrer véritablement dans le ring contre les changements climatiques. Les experts annoncent que le premier round est déjà perdu.


Le labo du journalisme scientifique est un blogue tenu par les étudiants du cours de journalisme scientifique de l'Université Laval. 


La COP23 (23e Conférence des parties) à Bonn en Allemagne en novembre dernier réunissait environ 10 000 personnes, pour concrétiser l’Accord de Paris signé par 195 pays en 2015 (COP21). Rappelons que cette entente, ratifiée par 168 pays jusqu’à présent, vise à stabiliser le réchauffement climatique mondial en dessous de 2 °C d’ici 2100, par rapport à la température moyenne de la période 1861-1880. Au-delà de 2 °C, les scientifiques redoutent un emballement climatique.

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Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, les pays signataires s’engagent - sans être contraints - à livrer aux Nations Unies leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) appelées INDC : Intended Nationally Determined Contributions. En plus, l’Accord demande aux pays riches d’aider les pays pauvres à se convertir au développement durable.

Deux ans après Paris, où en sommes-nous ?

On a calculé que les actions annoncées depuis la rencontre à Paris conduiraient à une hausse d’au moins 3 °C en 2100. Le président de la COP23, M. Bainimarama réclame donc des INDC plus ambitieuses et des actions concrètes immédiates. Il a rappelé que nous sommes tous responsables et que chacun doit participer à l’effort de réduction des GES.

Le président a raison de s’inquiéter. Les concentrations de GES dans l’air ont atteint un niveau inégalé depuis plus de 800 000 ans. Déjà les changements climatiques causent des souffrances et de la détresse partout dans le monde. Les événements météorologiques extrêmes de la dernière année (ouragans, incendies de forêt, inondations, sécheresses) se révèlent sans précédent. Ils ont ébranlé sérieusement plusieurs économies nationales et menacé la sécurité alimentaire dans certaines régions du globe.  

On part de loin !

Pour rester sous la barre des 2 °C en 2100, il faudrait diminuer de 40 % à 70 % nos émissions actuelles avant 2050. Et le plus tôt serait le mieux, car l’inertie du système terrestre maintiendra longtemps le réchauffement après l’application des freins. En effet, la plupart des GES persistent plusieurs centaines d’années dans l’atmosphère avant de se dégrader. Or, en ce moment, les GES augmentent de 2 % par année.

De plus, près de la moitié du chemin vers la température cible est déjà parcouru : le réchauffement moyen planétaire depuis l’industrialisation dépasse 0,85 °C. Cette hausse peut sembler insignifiante, mais elle engendre des conséquences majeures irréversibles : réduction du couvert de glace, perte de biodiversité, désertification, acidification des océans, invasion d’espèces nuisibles, sans compter les désordres sociaux associés aux réfugiés climatiques. Plus près de nous, les embâcles dus au redoux et aux pluies de janvier ont mis à la rue plusieurs familles. Toutes ces répercussions sonnent l’alarme, mais pas assez fort semble-t-il, puisque les nations tardent à passer véritablement à l’action.

Comment y arriver ?

Sans surprise, la solution passe par la production d’énergie propre. Rappelons que 40 % de l’énergie mondiale provient de la combustion du charbon, le pire des carburants. L’agriculture, deuxième contributrice de GES, doit être soumise au développement durable. Enfin, on doit repenser nos déplacements car le transport constitue la 3e source de GES en importance.

Pour l'instant, les pays qui ont ratifié l’Accord de Paris formulent des propositions financières et politiques (voir encadré). Eh oui, l’argent conditionne le comportement des humains… En 2011 on avait évalué la nécessité d’investir au moins 100 milliards de dollars par an pour arriver à une stabilisation des températures. Six ans plus tard, plusieurs pays n’ont toujours pas contribué à l’effort de guerre. Or, plus on attend, plus la somme nécessaire augmente car il faut, non seulement changer nos modes de fonctionnement, mais réparer les dommages causés par les changements climatiques. D’ailleurs, une bonne part des INDC annoncées depuis COP21 concernent l’adaptation aux effets du réchauffement (voir encadré).

Priorités pour la suite

Jusqu’à présent, les COP n'ont pas abordé les GES provenant des transports aérien, ferroviaire et maritime car on ne sait pas à quel état les attribuer (le pays de départ ou d’arrivée?). Sans efforts notables de réduction à ce chapitre, l’atteinte du 2 °C s’avère carrément impossible ; ces émissions constituent plus de 10 % des GES mondiaux et montrent une progression constante.

Par ailleurs, le secteur de l’énergie donne des signes encourageants puisque la production d’énergie renouvelable double tous les cinq ans. Toutefois certaines nations persistent à brûler du charbon en raison de leur économie fragile. Or, l’objectif du 2 °C commande la décarbonisation rapide et complète du secteur énergétique sur l’ensemble du globe.

La prochaine COP se tiendra en Pologne en 2018. Elle dressera la liste des INDC et formulera d’autres promesses; pendant ce temps les changements climatiques s’aggraveront. Ce scénario se répète depuis le Protocole de Kyoto, signé il y a plus de vingt ans. Sans mesures contraignantes, forçant les pays à agir, la cible des 2 °C restera une utopie.

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