Aux États-Unis, d'aucuns menacent de bombarder l'Iran. Aussitôt, les amateurs de théories du complot crient à l'intox, faisant valoir les mensonges qui avaient précédé la guerre en Irak. Les situations sont-elles comparables?

L'Irak n'avait aucune arme de destruction massive. L'Iran pourrait-elle être dans la même situation?

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Absolument pas. L'Iran n'a pas été la cible d'un embargo commercial depuis plus d'une décennie. Elle a eu tout loisir d'investir dans son armée, son équipement militaire, ainsi que dans la recherche scientifique et technologique (voir ce texte).

Que prétend avoir fait l'Iran sur la voie d'une bombe atomique?

Le 11 avril, son président a prétendu avoir enrichi à 3,5% une petite quantité d'uranium-235, ce qui est effectivement la première étape vers la production d'une arme nucléaire. Toutefois, pour avoir de quoi alimenter vraiment une bombe, il faudrait avoir enrichi à 80% ce matériau.

Cette annonce du 11 avril est-elle plausible?

Oui. L'Iran possède ses propres mines d'uranium, et elle a repris la production d'uranium en août 2005, en violation du traité international sur la non-prolifération nucléaire. En août 2005, elle affirmait n'avoir aucune intention d'enrichir de l'uranium, mais le discours a, depuis, changé.

Quelle est l'étape suivante?

Pour enrichir de l'uranium, il faut une centrifugeuse: un tube qui tourne à une très grande vitesse, et à l'intérieur duquel se trouve un gaz contenant les isotopes lourds et légers d'un matériau (ici, l'uranium). La rotation ultra-rapide sépare les isotopes les plus légers. Une longue série de centrifugeuses les sépare encore plus efficacement, jusqu'à atteindre un niveau d'enrichissement de 80%.

Mais par "longue série de centrifugeuses", on entend ici des dizaines de milliers. On sait que l'Iran possède actuellement un réseau de quelques centaines de centrifugeuses. Le président iranien a annoncé son intention d'en avoir 3000 qui soient opérationnelles d'ici la fin de 2006.

L'Iran serait donc plus loin d'une bombe qu'on veut le faire croire?

Oui et non. Avec son annonce du 11 avril, "l'Iran n'a pas démontré de capacités techniques supérieures à ce qu'il possédait déjà" , juge le physicien Michael Levi, du Conseil des relations extérieures, un organisme non-partisan basé à New York.

En revanche, 3000 centrifugeuses, bien que largement insuffisantes pour produire le matériau nécessaire à faire "rouler" une centrale nucléaire, pourraient être juste assez pour, après au moins trois ans, produire de quoi alimenter quelques bombes atomiques par année.

Autrement dit, l'Iran ne pourrait pas sortir de ses laboratoires une bombe atomique demain matin. Mais avec l'équipement dont elle est en train de se doter, elle pourrait en sortir une première dans trois ou quatre ans –si on imagine le scénario du pire.

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