Mon intérêt vient du fait que derrière cette lampe, et toutes celles fonctionnant au carbure de calcium, il y a l'histoire d'un inventeur de renom, canadien de surcroît, Thomas "carbide" Wilson. Né en 1860 à Woodstock, Ontario, Thomas "carbide" Wilson est un des pionniers de l'industrie électrochimique en Amérique du Nord avec plus de 70 brevets à son nom. Mais sa renommée, et son surnom, viennent surtout de sa découverte en 1892, alors qu'il travaillait aux États-Unis, d'un procédé de fabrication du carbure de calcium, "calcium carbide" en anglais. Une découverte qui, comme c'est souvent le cas, est le résultat d'une série d'accidents heureux.
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Thomas Wilson s'intéressait à la production commerciale d'aluminium, un métal très cher à cette époque. Son approche était de chauffer dans un four électrique de l'oxyde d'aluminium (alumine) en présence d'oxyde de calcium (chaux) et de charbon à haute teneur de carbone (coke). La théorie était que le coke allait libérer l'oxygène de la chaux pour donner du calcium métallique et que ce dernier en retour allait libérer l'oxygène de l'alumine pour produire l'aluminium.
Malheureusement, ou plutôt heureusement pour la suite de l'histoire, au lieu du métal brillant espéré, la réaction produisit une masse grise poreuse. On raconte que découragé, Thomas Wilson jeta le résidu dans la rivière qui passait devant l'usine. À sa surprise, dès que celui-ci toucha l'eau, celle-ci se mit à bouillonner vigoureusement, indiquant la formation d'un gaz. Intrigué, Wilson répéta l'expérience. Il obtint les mêmes résultats mais cette fois il put aussi observer que ce gaz brûlait avec une flamme particulièrement brillante. Très rapidement les tests de laboratoire démontrèrent que le résidu était du carbure de calcium et le gaz de l'acétylène. Deux composés déjà connus à l'époque mais dont la synthèse était très difficile.
La méthode de Wilson offrait un chemin économique pour la production d'acétylène. Une découverte qui venait juste à point. Les villes commençaient à se doter de réseaux de luminaires fixes pour les rues et les maisons mais il n'y avait pas de systèmes d'éclairage mobiles efficaces. Le problème fut résolu par le développement de lampes au carbure de calcium. C'est un système ingénieux où de l'eau tombe goûte à goûte sur du carbure de calcium produisant ainsi une source continue d'acétylène. Celui-ci est dirigé vers une petite tuyère d'où il est allumé en contact avec l'air. Un miroir placé derrière la flamme augmente l'intensité de la lumière.
La découverte de Thomas Wilson trouva immédiatement des applications avec la fabrication des lampes de bicyclettes et des phares d'automobiles. Mais les lampes au carbure de calcium furent particulièrement appréciées par les mineurs qui, pour la première fois, avaient à leur disposition un éclairage beaucoup plus fiable et lumineux que les bougies ou les lampes au kérosène. De plus, il n'était pas nécessaire de tenir ces nouvelles lampes à bout de bras. Elles étaient assez compactes pour se fixer directement au casque.
En 1896 Wilson vend sa compagnie à ce qui allait devenir le géant chimique Union Carbide et retourne au Canada. II y développe plusieurs centrales pour produire l'électricité à la fabrication du carbure de calcium. Celle de Shawinigan sera une des premières à mettre en valeur les ressources hydroélectriques du Québec. En 1900 il déménage à Ottawa où il fonde "The International Marine Signal Compagnie" qui produit des bouées maritimes lumineuses à base de carbure de calcium.
Il se fait construire une maison d'été au bord d'un lac dans la région de Gatineau. Après la mort de Thomas Wilson en 1911, cette maison éventuellement revient au gouvernement Canadien qui en fait un centre de réunion. Son nom officiel "Maison Wilson, Centre de conférence du Lac Meech". Et oui, le fameux Accord du lac Meech, le projet raté de réforme constitutionnel au Canada, y fut signé en 1987. Je ne sais pas si Thomas Wilson, un canadien patriotique, s'en est retourné dans sa tombe.