Pour les vendeurs « d’eau oxygénée », leur produit augmente la performance des athlètes. Mais il n’y a pas vraiment de données pour soutenir cela, constatent le Détecteur de rumeurs et l’Organisation pour la science et la société.
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L’origine de la rumeur
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L’oxygène est le troisième élément le plus abondant de l’Univers, après l’hydrogène et l’hélium. La molécule d’oxygène qui représente environ 20% de notre air est la combinaison de deux atomes d’oxygène, d’où son symbole O2.
Avec chaque respiration, nous inspirons de l’oxygène, qui remplit alors nos poumons et se disperse dans notre sang. Nos cellules s’en servent pour produire de l’énergie (plus précisément, pour transformer le glucose en énergie). Il est à ce point essentiel que, sans apport en oxygène, notre cerveau subit des dommages permanents après seulement quatre minutes. C’est de ce constat qu’est venue la théorie selon laquelle davantage d’oxygène pourrait sûrement accroître la performance de l’ensemble de notre corps. Et c’est la raison pour laquelle les vendeurs « d’eau oxygénée » ciblent les athlètes.
L’oxygène dans l’eau
L’eau que nous buvons n‘est pas seulement composée de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène (H2O). Elle contient aussi de l’oxygène qui, provenant de l’air, s’y est dissout. En ce sens, on pourrait dire que toute eau est de l’eau oxygénée, quoique à un très faible taux: un maximum de 25 millilitres par litre d’eau. C’est néanmoins assez pour que les poissons extraient de l’oxygène par leurs branchies.
La technologie permet de faire entrer davantage d’oxygène dans une bouteille d’eau: il suffit d’y mettre plus de pression, et c’est ce que font les vendeurs « d’eau oxygénée ». Le problème est que le gros de cet oxygène s’échappe aussitôt qu’on ouvre la bouteille.
Ce qui reste de cet oxygène dissout est sans conséquence pour notre corps, parce que nous ne respirons pas par notre intestin. Seule une trace de cette infime quantité d’oxygène dans l’eau passera à travers l’intestin pour entrer dans la circulation sanguine, qui est de toute façon déjà saturée en oxygène.
L’important est de retenir qu’une simple bouffée d’air contient plus d’oxygène qu’un litre d’eau oxygénée. Cette bouffée représente environ 500 mL d’air, dont environ 20%, soit 100 mL, est composé d’oxygène. Des échantillons provenant d’une variété d’eaux oxygénées révèlent en moyenne la présence de 10 mL d’oxygène par 100 mL d’eau. Conclusion : même si tout l’oxygène de la bouteille était absorbé, ce serait moins d’oxygène que si on prenait une respiration de plus !
De plus, des études démontrent clairement que la consommation d’eau oxygénée n’a aucun effet sur la performance, quelle qu’elle soit. Des participants s’adonnant à des tests rigoureux d’exercices cardiopulmonaires standardisés n’ont vu aucune différence significative dans leurs résultats, qu’ils aient bu de l’eau régulière ou de l’eau oxygénée. Et lorsqu’on leur demandait d’identifier le type d’eau qu’on leur avait servi à l’aveugle, ils étaient incapables de le dire.
Une petite revue de la littérature, en 2006, était sans appel: « l’eau oxygénée échoue autant aux analyses quantitatives qu’aux tests physiologiques pratiques sur la performance physique et la récupération. Seules de minuscules quantités d’O2 peuvent être dissoutes dans l’eau que l’on boit, comparativement à ce qui est requis pour un exercice physique. »
Qui plus est, certaines affirmations des promoteurs sont carrément fausses, comme celle voulant que l’oxygène dans l’air soit en diminution à cause de la pollution. Et d’autres sont pour le moins bizarres :
- « L’oxygène est stabilisé dans des amas d’eau micro-encapsulés. »
- « Notre méthode brevetée d’expansion et de contraction des molécules d’eau à une fréquence de plusieurs fois par minute permet une consommation d’oxygène accrue et une prise d’électrons donnés. »
- « Nous utilisons de l’oxygène monoatomique ainsi que d’autres formes salutaires d’oxygène : O2, O4, O5, O6 et O7, qui est moins de la moitié du diamètre de l’oxygène diatomique régulier. »
Le Détecteur de rumeurs et l’Organisation pour la science et la société n’ont pas pu trouver où les auteurs de ces allégations ont pu dénicher ces « informations »…
Une première version de cet article, par Joe Schwarcz, est parue sur le site de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill.