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C’était peut-être le chimiste le plus prolifique du monde: il publiait une étude… toutes les 37 heures ! Jusqu’à ce que son université décide de le suspendre pour pratiques douteuses.

Rafael Luque a été suspendu sans paie pour 13 ans, selon ce qu’il a révélé lui-même et qui a été confirmé par l’Université de Cordoue, en Espagne. L’institution lui reproche d’avoir été à l’emploi de l’Université du Roi-Saoud, première université d’Arabie saoudite, et de l’Université de l’amitié des peuples, à Moscou, et ce, alors même qu’il était professeur à temps plein à Cordoue.

Il faut savoir qu’il y a plus de 10 ans, des universités saoudiennes se sont lancées dans un programme agressif d’embauches de chercheurs étrangers choisis parce qu’ils sont les plus souvent cités. Ce programme avait été révélé en 2011 par la revue Science. Par « les plus souvent cités », on fait référence au fait qu’il existe dans la communauté scientifique des classements des recherches en fonction du nombre de fois qu’elles ont été citées par d’autres chercheurs.  Ces classements peuvent servir à accroître la notoriété des chercheurs et de leurs universités, ce qui peut se traduire par davantage de financement, public et privé.

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Par exemple, expliquait Science, l’Université du roi Abdulaziz avait offert aux chercheurs quelque 76 000$ par an, les seules conditions étant de passer une semaine par année sur le campus et d’ajouter le nom de l’université saoudienne comme deuxième affiliation, chaque fois que l’auteur signe ou co-signe une recherche.

Âgé de 44 ans, Rafael Luque a mis son nom sur quelque 700 études, principalement dans le domaine de la chimie verte. De ce nombre, Google Scholar en recense 60 depuis le début de 2023, soit une moyenne de deux tous les trois jours.  Ce qui contribue au fait qu’il soit beaucoup plus souvent cité que la moyenne des scientifiques...

Réagissant à sa suspension, il a déclaré au quotidien espagnol El Pais: « sans moi, l’Université de Cordoue va descendre de 300 places » dans le classement des universités les plus souvent citées. « Ils se sont tirés dans le pied ». Il attribue sa suspension à de la « pure jalousie ».

Ce n’est pas la première fois que de telles dérives conduisent à critiquer la pression à publier le plus souvent possible qui pèse sur les chercheurs —le fameux « publier ou périr ». Des appels à des réformes ont été lancés ces dernières années. Dans un reportage du New Scientist, en 2022, tout le monde semblait s’entendre pour dire qu’il y avait eu des progrès pour répondre aux « signaux d’alarme » —mais qu’il y avait encore beaucoup de chemin à faire.

Le chimiste a admis que, depuis décembre, il avait utilisé ChatGPT, l’application d’intelligence artificielle, pour « polir » ses textes. « Ces derniers mois ont été très productifs, parce que ce sont des articles qui prenaient auparavant deux ou trois jours, et qui se font maintenant en une journée. »

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