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En 2008, le Ministère de la Santé et des services sociaux annonçait la création des guichets d'accès pour clientèles orphelines, un programme qui devait régler le problème du manque de médecins au Québec. Six ans plus tard, une évaluation du programme a été réalisée par des chercheurs de l'Université de Sherbrooke pour mesurer l'impact de ce service.

Les GACO et le problème de la clientèle orpheline

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Selon les plus récentes données publiées par le Commissaire à la santé et au bien-être, 25,5 % des Québécois n’auraient pas de médecin de famille actuellement (CSBE, 2013). Les guichets d’accès pour clientèles orphelines (GACO), initiative conjointe du Ministère de la Santé et des services sociaux (MESS) et de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, ont été implantés il y a maintenant six ans pour répondre à ce problème, particulièrement chez les clientèles vulnérables. Le principe est simple : les individus se présentent à leur CSSS local et s’inscrivent sur une liste d’attente pour être jumelés avec un médecin de famille participant au programme. Les cas sont ensuite (théoriquement) priorisés en fonction des besoins des individus, la priorité étant accordée aux individus atteints d’une maladie chronique ou d’une condition médicale nécessitant un suivi régulier. Il y a deux semaines, trois chercheurs de l’Université de Sherbrooke ont publié dans la revue Observatoire des réformes de santé une évaluation de ce système prometteur effectuée à partir des données colligées par le mess sur les inscriptions au service GACO.

Les CSSS laissés à eux-mêmes dans l’implantation

L’implantation des GACO ne se serait pas déroulée d’une manière uniforme dans l’ensemble des CSSS de la province, selon Breton, Gagné et Gankpe. Ceci s’expliquerait par deux éléments organisationnels : aucun budget supplémentaire n’accompagnait le nouveau mandat (mis à part l’affectation d’un médecin coordonnateur à chaque GACO) et peu de directives précises ont été transmises quant à la marche à suivre pour implanter ce service. Ainsi, le réseau des CSSS était dans l’obligation de faire plus avec les mêmes ressources, ce qui a créé de grandes disparités dans l’offre de services. Présentement, certains CSSS acceptent les demandes provenant de patients directement, d’autres n’acceptent que les demandes de patients atteints d’une maladie chronique (affection respiratoire sévère, cancer, diabète, etc.) alors que certains refusent tout individu qui n’est pas référé par un professionnel de la santé. Ces différentes expliquent sans aucun doute en partie les fossés importants dans l’achalandage : l’évaluation révèle que le nombre de patients en attente varie entre 14 patients par 10 000 de population et 1096 par 10 000 de population. Cela dit, l’absence presque totale de publicité de la part de l’Agence peut aussi être identifiée comme cause probable de ces différences : les gestionnaires auraient refusé de mettre en œuvre un plan de communication étendu pour faire la promotion des GACO, craignant que le service ne soit pas en mesure de répondre à la demande abondante de la population.

Des abus de la part de certains médecins qui ont créé des inégalités

L’analyse du profil des individus inscrits au programme GACO a permis de dresser un constat inquiétant : plus de 70 % de ceux-ci ne présentent pas de maladies chroniques et la grande majorité provient d’autoréférences de la part de médecins de famille, ce qui est en profonde contradiction avec l’esprit du programme. Cette situation s’expliquerait par le fait que, avant 2013, les médecins pouvaient effectuer des autoréférences (s'attribuer eux-mêmes un patient) par les GACO tout en profitant de l’incitatif financier associé à la participation au programme. Car pour chaque inscription par l’entremise d’un guichet d’accès, le médecin reçoit un montant forfaitaire selon les caractéristiques du patient; les frais associés à cet incitatif à la participation ont entrainé un dépassement annuel d’une somme de 23,7 millions.

…mais sur la bonne voie

Malgré ces ratés, le programme démontre des résultats impressionnants : en l’espace de six ans, 890 000 Québécois ont trouvé un médecin de famille via ce système. De plus, près de 230 000 patients, dont près de 60 000 patients vulnérables, sont inscrits présentement dans l’un de ces guichets et attendent d’être jumelés à un praticien. Les GACO pourraient donc effectivement constituer une solution efficace pour enrayer la problématique du manque de médecins de famille. Cela dit, le tir doit définitivement être réajusté sur certains points : la situation actuelle a donné lieu à des injustices où des patients atteints de maladies chroniques (particulièrement les individus présentant des troubles de santé mentale) ont été devancés sur les listes par des individus sans vulnérabilité pour des raisons financières. Le MESS a déjà fait un pas dans ce sens en 2013 en interdisant l’autoréférence. Il faut maintenant encourager davantage de médecins de famille à participer à ce système tout en balisant la façon dont la priorisation des références s’effectue pour s’assurer que les individus vulnérables seront les premiers à obtenir l’attention médicale dont ils ont besoin.

Pour plus d’informations sur les guichets d’accès pour clientèles orphelines (GACO) Pour consulter l'article complet de Breton, Gagné et Gankpe (2014)

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