Les choses se présentent plutôt bien pour le Britannique Andrew Wakefield. Auteur d’une étude en 1998 qui prétendait établir un lien entre vaccins et autisme et qui s’est révélée être frauduleuse, interdit de pratiquer la médecine depuis 2010, discrédité par la communauté scientifique —et par les associations de défense des personnes autistes— il semble être en train d’effectuer un retour, grâce à l’appui d’un de ses bons amis, qui n’est autre que le ministre de la Santé des États-Unis.
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Wakefeld n’a jamais cessé d’être un héros au sein des mouvements antivaccins. Tout au long des années 2000 et 2010, on le retrouve invité dans de multiples événements rassemblant tantôt des opposants aux vaccins, tantôt des adeptes de santé « naturelle ». Pendant tout ce temps, il n’a cessé de se présenter comme une « victime » d’un « establishment ». Mais dans les années 2010, la montée en popularité d’un discours antiscience au sein des mouvements politiques conservateurs, aux États-Unis et ailleurs, lui a ouvert de nouvelles portes. En 2020, dans une émission en direct sur Instagram avec Wakefield, Robert F. Kennedy Jr (RFK) décrivait celui-ci comme « un des êtres humains les plus résilients que j’aie connus ».
RFK s’était lui-même affiché comme antivaccin depuis des années, ayant présidé l’un des groupes antivaccins les plus influents des États-Unis, Children’s Health Defense. Il n’est donc pas étonnant que les chemins de ces deux hommes aient convergé. Au fil du temps, Wakefield et Kennedy ont partagé la scène dans de pseudo-documentaires, des baladodiffusions et des conférences. Depuis la COVID, Wakefield est apparu aux quatre coins de l’écosystème des sites de la droite radicale comme Infowars ou comme l’influenceur Del Bigtree —lui aussi antivaccin notoire et directeur des communications de la brève campagne présidentielle de RFK, en 2024. Bigtree a présenté Wakefield comme la victime d’une « persécution du gouvernement ».
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La semaine dernière, un sénateur républicain, Ron Johnson, a écrit sur Twitter qu’il « est temps de s’excuser auprès du Dr Andrew Wakefield et de tous ceux qui ont été calomniés and vilipendés pour avoir simplement posé les bonnes questions ». Le sénateur réagissait alors à la nouvelle comme quoi, sur le site de l’agence fédérale en charge du suivi des maladies (CDC), une modification stipulait désormais que « l’affirmation ‘les vaccins ne causent pas l’autisme’ n’est pas basée sur des preuves ».
Comme l’ont rappelé la semaine dernière autant des pédiatres que des spécialistes de l’autisme, plus de 40 études, depuis les années 2000, ont bel et bien posé ces questions, et ont conclu à l’absence de lien entre l’autisme et le vaccin rougeole-rubéole-oreillons (RRO).
Mais pour les groupes qui se sont toujours affichés en opposition aux vaccins, cette modification du site web du CDC —dont RFK s’est attribué la paternité— était un « rêve devenu réalité » —c’est en ces termes qu’a réagi le groupe Children’s Health Defense.
Dans un reportage récent, la journaliste Brandy Zadrozny, qui couvre l’actualité de la désinformation depuis près d'une décennie, décrit une assemblée tenue au début de novembre à Austin, Texas, au cours de laquelle Wakefield faisait la promotion d’un article, publié par l’organisme à but non lucratif d’un autre croisé de l’antivaccination, Peter McCullough. L’article prétend à nouveau qu’il existe un lien entre vaccination et autisme… et cite à cette fin l’article rétracté de 1998.
Wakefield a profité de la rencontre d’Austin pour présenter ce nouvel article comme une « victoire », et pour affirmer à un auditoire gagné d’avance que son « temps était venu ». L’utilité des vaccins sera remise en question, a-t-il assuré, et avec RFK à la barre, pas juste l’utilité des vaccins RRO, mais tous les vaccins: « quand les gens disent que c’est fini, ils veulent dire c’est fini pour absolument tout ».
Dans cette étude de 1998 qui n’en était pas une, le gastroentérologue britannique qu’était alors Wakefield n’avait pas découvert un lien entre vaccin et autisme : il avait frauduleusement tenté —comme des enquêtes le révéleraient des années plus tard— de démontrer qu’il y avait un lien, en choisissant ses cobayes —des enfants— afin qu’ils puissent servir ensuite à une poursuite judiciaire. Et tout cela, dans le contexte de la promotion d’un traitement alternatif sur lequel il avait déposé un brevet. Sa recherche a été officiellement rétractée par la revue The Lancet 12 ans plus tard.



