Le petit satellite soviétique a tout changé : la géopolitique de la guerre froide, la course aux armements, les télécommunications, l’industrie aérospatiale et le complexe militaro-industriel qui s’y rattache, de même que bien des domaines plus proches de nous, tels que l’éducation, le cinéma et même l’éducation.
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Spoutnik mit fin aux tâtonnements des américains, qui éparpillaient leurs efforts de développement dans différents programmes spatiaux, sous l’égide des branches de la Défense américaine. C’est ainsi que le président décida de regrouper toutes ces forces sous le chapeau de la NASA.
Spoutnik donna le coup d’envoi à l’exploration spatiale et surtout à la course à la Lune qui devait dominer les années 1960. Comme j’en ai parlé dans mon billet précédent, l’aventure spatiale a fasciné toute la cohorte de jeunes garçons qui ont grandi à l’ombre d’Apollo et des Moonwalkers. Nos jouets et nos émissions de télévision (Les Jetsons, Space Ghost, Star Trek, Perdus dans l’espace) étaient remplis de fusées et d’astronautes. Nous buvions du jus d’orange Tang au lieu de chose véritable. La haute couture popularisait des vêtements minimalistes... c’était la belle époque des mini-jupes et des robes de plastiques ! Pensons à Barbarella (à la fois dans la bande dessinée de Jean-Claude Forest et dans le film de Vadim). L’architecture Googie, avec ses ailerons d’avions et ses couleurs pastel, régentait les banlieues. Le mobilier changeait d’aspect et prenait les formes organiques du Pop Art. Toute la culture était imprégnée de cette nouvelle frontière.
Aujourd’hui, l’espace connaît un regain d’intérêt avec le Prix Ansari X, qui a donné le coup d’envoi à l’accès orbital aux vaisseaux spatiaux réutilisables tel l’avion spatial SpaceShipOne de Burt Rutan. Les milliardaires de Google ont même jeté un nouveau défi en mettant sur pied le Luna X Prize, dont le but est de récompenser celui qui parviendra à déposer un engin robotisé sur la surface lunaire. Bref, on désire encourager le secteur privé à refaire à peu de frais ce que seulement les superpuissances avaient pu réaliser à ce jour.
Cette nouvelle course à l’espace, conçue par et pour l’entreprise privée, permettra un développement commercial soutenu, qui, à long terme, aura peut-être plus de retombées pour le grand public que les coûteux programmes spatiaux gouvernementaux.
Malheureusement, ces progrès récents n’ont pas été accompagnés par l’enthousiasme commun et global des années 1960. Le grand public n’est plus fasciné par l’espace. Cette nouvelle frontière du ciel a vite perdu son caractère romanesque et fabuleux pour devenir dans les années 1970, un décor sans grand intérêt, peuplé de montres de l’espace (Star Wars en 1977 et Alien en 1979).
Même l’imaginaire de la science-fiction n’est plus attiré par les possibilités de l’exploration spatiale. En effet, Geoff Ryman (Air, Pol Pot's Beautiful Daughter), un écrivain de science-fiction britannique d’origine canadienne, a récemment proposé dans son manifeste de Mundane SF, d’ignorer les fantaisies de voyage spatial, de colonisation interplanétaire et de vie extraterrestre. (Alors même que l’exobiologie est bien en voie de s’établir comme véritable science !)
Comment s’expliquer l’abandon de ce trope qui est un des moteurs les plus féconds de la littérature de science-fiction ? Est-ce que le voyage spatial, comme pour toutes les technologies de SF qui deviennent réalités quotidiennes et routinières, est devenu trop banal pour encore s’en impressionner ? Certes, nous sommes bien loin de coloniser les planètes du système solaire et les technologies, comme l’industrie, n’en sont qu’à leurs débuts. Autant condamner Jules Verne pour ses machines volantes et son vol lunaire, tout à fait impossibles...
Ryman, dans son plaidoyer pour une science-fiction centrée sur notre planète et notre société, reprend à son compte les mêmes arguments que les opposants au programme Apollo avaient émis en leur temps : que les sommes astronomiques dédiées au vol spatial auraient pu servir à d’autres fins, autrement plus utiles, dans nos hôpitaux, pour notre environnement, etc. C’est là un argument logique alors que, Marx aurait pu le dire un siècle plus tôt, le gaspillage du travail humain n’a rien de logique. En effet, les sommes alloués à la conquête spatiale sont dérisoires en face de l’argent « investi » dans l’armement par les gouvernements.
Faut-il pour autant renoncer au rêve de l’espace ? Je ne le crois pas. Car ce ne serait qu’échanger une utopie pour une autre. Je préfère encore garder les yeux au ciel. Là ou Spoutnik montrait la voie.