« Mon char, mon choix », lançait cet été le chef du parti conservateur Éric Duhaime, pour s’opposer au virage d’électrification des transports. Cette revendication a été aussitôt reprise sur de nombreux réseaux sociaux par des adeptes du « pétromasculinisme ».
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Lancé en 2018, ce concept associe en effet l’identité masculine au pétrole. « Il y a une convergence entre ces deux courants, l’apologie de la consommation d’énergie fossile et la virilité. C’est un concept où on associe mode de vie polluant avec l’affirmation de sa masculinité. » C’est ce qu’expliquait la post-doctorante en philosophie de l’Université Laval, Marie-Anne Casselot, lors du récent congrès de l’Association des communicateurs scientifiques.
Le pétromasculinisme a été détaillé par la professeure en science politique de l’Université de Virginia Tech, Cara Dagget – par exemple, dans son récent ouvrage intitulé justement « Pétromasculinité ». La chercheuse y détaille la valorisation de cet attachement aux énergies fossiles et à un certain mode de vie – la famille nucléaire à deux voitures, la banlieue, la consommation de biens à base de plastique, etc.
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« On peut y lire une nostalgie de la souveraineté américaine assimilée aux diverses consommations de produits à base de pétrole et à la masculinité, avec une rigidité des normes de genre. Il s’agit là d’un attachement identitaire au pétrole », relève Mme Casselot.
En Amérique du Nord, le déni climatique serait deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes, selon Sylvain Bédard, le coordinateur scientifique de la Chaire Unesco en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents.
« Le pétromasculinisme, ce sont aussi les propos de l’essayiste Mathieu Bock-Côté lorsqu’il revendique le « pétronationalisme » et qu'il soutient que le Québec doit être fier de ses chars. » Ce qui est tout à fait en phase « avec le lobby pétrolier », ajoute-t-il.
M. Bédard a présenté lors du congrès un petit échantillon des images et des discours circulant autour de ce concept : on peut y voir notamment une femme faire un changement d’huile avec de l’huile de canola ou encore des remarques insultantes dirigées vers la militante environnementale Greta Thunberg.
« Il s’agit d’images limites pédophiles où l’on se moquait des réclamations de la jeune écologiste. Ce sont des propos souvent très agressifs et antiféministes, en association avec d’autres mouvements rétrogrades – racistes, transphobes, etc. Ce sont les mêmes gens, d’un même courant politique », note encore M. Bédard.
Il relate aussi diverses tactiques d’hommes qui modifient leurs voitures et utilisent délibérément la pollution de leur tuyau d’échappement lors de manifestations écologistes. « Les militants écologistes et les agents de changements sociaux forment alors des cibles de choix de ceux qui cherchent à freiner la transition écologique », explique-t-il.
Marie-Anne Casselot y relève trois pôles dans les messages pétromasculinistes : l’autoritarisme qui fait l’apologie de valeurs traditionnelles, la masculinité hégémonique et le déni climatique. « C’est une posture antiscience, avec des éléments conspirationnistes, par exemple la rumeur que l’ouragan Milton aurait été commandé par le gouvernement américain », note l’étudiante en philosophie.
Il y a un refus affirmé de changer pour s’adapter à la transition écologique et aux impératifs du climat. « Cela reflète une anxiété identitaire par rapport au genre et à la crise climatique. La pétromasculinité est clairement une position d’opposition au changement social », ajoute Mme Casselot.
Photo: gorlovkv / DepositPhotos