Connaissant maintenant les deux co-auteurs de « Notre cerveau à tous les niveaux. Du Big Bang à la conscience sociale », vous comprendrez pourquoi ce titre fait écho de belle façon aux rencontres qui sont au cœur de la démarche de cet ouvrage. Ce titre est en fait celui d’une entrevue que j’ai accordée à Chantal Fontaine pour la revue québécoise Les Libraires. Pas facile de résumer une heure de discussion avec elle sur le contenu des 560 pages du livre en trois petites questions réponses. Elle réussit quand même à rendre intelligibles mes propos qui partaient dans tous les sens, bien qu’on sente inévitablement quelques ellipses.
Par ailleurs, je sais que c’est moi qui ai fait l’entrevue, mais l’accent est beaucoup mis sur ma personne avec ma (très) grosse face pour illustrer l’entrevue, au détriment de mon co-auteur vaguement évoqué à la première question. Cela me donne l’occasion de rappeler que dès qu’il y a médiation par un tiers pour parler de la réalité, il y a inévitablement des choix qui sont fait. Comme le rappelle Yvon ans le livre (p.32) :
« J’ai réalisé assez de films pour savoir que même quand tu captes un simple entretien comme je le fais actuellement, c’est pas objectif du tout ! J’ai choisi de mettre ma caméra à un endroit précis pour avoir un certain type de cadrage, et ça, c’est pas innocent, ça va avoir un effet sur le spectateur. Ensuite, j’ai démarré l’enregistrement à un moment donné, et je vais l’arrêter à un autre, et ça non plus, ça n’a rien d’objectif. Et j’te parle même pas du montage de tout ça qui sera fait ensuite. Ni du fait que, comme tu l’as souligné tantôt, c’est pas toujours évident pour le sujet filmé d’oublier la présence de la caméra, qui va donc le faire se comporter d’une façon un peu différente que si elle n’était pas là. »
Voilà une réflexion fort juste de mon co-auteur que je trouvais à propos de ramener ici, d’autant plus que la photo de ma grosse face se trouve à être une partie seulement de la photo originale qui reflétait mieux la réalité en montrant les deux co-auteurs de l’ouvrage. Je l’ai donc mise en haut de ce billet, juste pour montrer comment une autre réalité, plus riche sans doute puisqu’on les voit jouer aux échecs et que ce jeu a une signification particulière dans le bouquin. Je tiens d’ailleurs à remercier ici mon ami photographe François Bastien pour le cliché (et pour les bons moments passés devant l’échiquier avec lui aussi…).
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Ce « recadrage médiatique », inutile de dire qu’il se fait souvent selon un point de vue que ceux et celles qui possèdent et financent les médias en question ont avantage à transmettre à la population, question de maintenir le discours dominant qui généralement les sert bien. Rémy Guenin, l’illustrateur de notre bouquin, en donne un exemple éloquent dans un de ses petits dessins « éditoriaux » qui parsèment l’ouvrage.
Comme quoi, et dans un souci de donner encore un peu la parole à Yvon qui, lui, ne s’est pas encore fait demander en entrevue :
« La soi-disant objectivité, en particulier journalistique, c’est de la bullshit ! Comme si les grands médias ne choisissaient pas à tout moment de nous parler de certaines choses et pas d’autres. Des choses qui, comme par hasard, vont parfaitement avec la vision du monde de leurs annonceurs, celle d’un système où il faut travailler, consommer, faire un X dans l’isoloir tous les quatre ans, pis fermer sa gueule le reste du temps. Mon passage au journal Le Couac m’a fait réaliser à quel point, si tu veux faire du vrai journalisme, t’as pas le choix d’assumer ta subjectivité, de savoir d’où tu parles. Et donc d’être responsable de la perspective que tu présentes, qui doit évidemment aller dans le sens du bien commun. »
* * *
Comme j’en ai pris l’habitude il y a deux semaines, je termine encore une fois, avec un petit « fun fact » tiré du livre, qui résonne un peu avec les propos d’Yvon et le dessin de Rémy.
« Un des nombreux apports de la primatologie à une meilleure compréhension des sociétés humaines, ça a été de mieux comprendre comment l’accessibilité aux ressources va influencer grandement l’organisation sociale d’un groupe de primates, et donc aussi celle humains. Par exemple, si les ressources sont abondantes, il y a généralement très peu de hiérarchies au sein d’un groupe de primates puisque tout le monde peut facilement trouver des fruits qui poussent partout autour. À l’autre extrême, quand les ressources sont très rares et difficiles d’accès, c’est l’entraide qui va devenir la meilleure stratégie pour survivre. On pense aux régions polaires où, pour lutter par exemple contre le froid, les manchots empereurs se serrent les uns contre les autres pour couver leurs oeufs. C’est quand les ressources ne sont pas rares mais limitées et défendables qu’il va y avoir de la compétition, comme ça va souvent être le cas dans les milieux tempérés. Et cette compétition va presque immanquablement mener à la formation de hiérarchies de dominance. Car il faut savoir que les combats constants au sein d’une communauté sont extrêmement coûteux biologiquement parlant en blessures et en risques de décès. Au contraire, quand après quelques affrontements chacun apprend le rang qu’il peut occuper dans la hiérarchie, les choses se calment et deviennent moins coûteuses dans l’ensemble. Sauf, évidemment, pour les individus qui se ramassent les plus dominés au bas de l’échelle où là c’est plutôt néfaste pour leur santé à cause du stress soutenu qu’ils subissent. »