Partout dans le monde, les universités, les regroupements, les éditeurs et les chercheurs qui ont fait le choix de l'accès libre aux publications scientifiques (pilier de la "science ouverte") se préparent à passer une semaine passionnante d'activités et de débats, notamment sur Internet.
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Open Access Week, a global event now entering its sixth year, is an opportunity for the academic and research community to continue to learn about the potential benefits of Open Access, to share what they’ve learned with colleagues, and to help inspire wider participation in helping to make Open Access a new norm in scholarship and research.Par exemple, le site Networked Researcher organise une "non-conférence" (unconference) pendant laquelle les chercheurs deviennent des blogueurs qui échangent librement leurs idées et leurs informations en ligne, bien loin des colloques fermés demandant des droits d'inscription de 500$.
Parallèle au mouvement en faveur des données statistiques ouvertes dans l'administration publique et inspiré par le mouvement du logiciel libre, l'accès libre désigne une nouvelle façon de faire circuler les connaissances issues de la recherche scientifique. Au coeur de cette initiative, à laquelle se joignent sans cesse de nouvelles universités et revues, se trouve la volonté de supprimer les "murs payants" imposés par les éditeurs scientifiques commerciaux (groupes Nature, Elsevier, etc.) aux internautes qui veulent consulter leurs publications. Un des enjeux est la qualité de l'information accessible aux chercheurs et donc la qualité de la recherche scientifique : les leaders de l'accès libre veulent que tous les chercheurs aient un accès immédiat à tous les articles scientifiques, quels que soient les choix d'abonnement de leurs bibliothèques universitaires. Sur le plan éthique, les promoteurs de l'accès libre cherchent aussi à (re)trouver l'esprit de collaboration et de partage des connaissances entre chercheurs et entre le monde de la science et la société qui semble avoir été perdu au fil de l'économie du savoir (ou capitalisme cognitif) qui privilégie la propriété intellectuelle, les brevets, la commercialisation des innovations, la compétition entre chercheurs et entre équipes.
Les auteurs de la Déclaration de Budapest, qui marqua en 2002 le début du mouvement de l'accès libre, le définissent ainsi :
« La mise à disposition gratuite sur l'Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces articles, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l'accès et l'utilisation d'Internet. La seule contrainte sur la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l'intégrité de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités. »
Pour garantir cet accès libre, il existe deux voies bien distinctes, baptisées respectivement accès doré (Gold) et voie verte (Green). L'accès doré privilégie les revues scientifiques en libre accès sur Internet, c'est-à-dire gratuites pour les lecteurs. Toutefois, plusieurs de ces revues, notamment celles du groupe PLoS , décident de faire payer des frais parfois très élevés (jusqu'à 1000$) aux équipes de recherche; le financement de la publication est alors transféré des lecteurs aux auteurs. La voie verte est beaucoup plus économique pour tout le monde, incluant les contribuables qui financent les projets de recherche. Elle consiste à créer et promouvoir des dépôts institutionnels d'articles scientifiques dans les universités. Par biais de l'auto-archivage (un simple clic), les chercheurs y déposent une copie de leurs publications scientifiques qui pourra être tôt ou tard en accès libre. La voie verte permet aux auteurs de continuer à publier dans les revues de leur choix, tout en augmentant leur lectorat. L'accès "platinum" ou "freemium" propose un modèle d'affaires avec un contenu de base gratuit, mais des produits plus sophistiqués qui sont payants par les bibliothèques, de manière à assurer un petit revenu aux revues sans faire payer les auteurs pour autant.
Contrairement à certains mythes, plusieurs revues prestigieuses et payantes comme Nature sont favorables à l'auto-archivage dans les dépôts institutionnels et il existe déjà de nombreuses revues à accès libre qui ont un facteur d'impact élevé. D'ailleurs, un consortium vient de lancer une toute nouvelle revue très ambitieuse, eLife, qui sera offerte en accès libre (doré) :
The open-access publication eLife (www.elifesciences.org), which hopes to become a top-tier biomedical and life-sciences journal, published its first four research articles on 15 October. The online journal, funded by the Howard Hughes Medical Institute in Chevy Chase, Maryland, the Wellcome Trust in London and the Max Planck Society in Munich, Germany, currently charges no author fees for publishing. It has hired working scientists as editors, and selects or rejects articles on the basis of their potential influence as well as their technical rigour.Pour les sciences humaines et sociales, l'accès libre peut devenir un outil majeur de diffusion des connaissances, comme le rappelle le conseil scientifique de la plateforme Openedition :
Nous affirmons que le libre accès aux résultats de la recherche scientifique est une avancée pour la société dans son ensemble. Il s’agit d’un paradigme efficace et juste, car il facilite l’accès par les chercheurs du monde entier, mais également par l’ensemble des citoyens, aux résultats de la recherche. Les bénéfices directs sont évidents pour le progrès de la science, de la connaissance et de la société. Dans le secteur des Sciences humaines et sociales, qui permet de comprendre les sociétés complexes dans lesquelles nous vivons, le libre accès aux résultats de la recherche est également essentiel, tant à la marche de nos sociétés qu’à l’enrichissement culturel de chacun. Par ailleurs, le libre accès favorise le rayonnement de la recherche bien au-delà des frontières nationales et disciplinaires. Enfin, l’essentiel des recherches étant financées sur fonds publics, il est nécessaire de restituer au public les fruits de cet investissement collectif aussi vite et aussi efficacement que possible.L'accès libre est au coeur de la science ouverte qui comporte un autre chantier passionnant, celui de l'accès ouvert aux données de recherche, en amont de l'accès libre aux publications. Cette forme de recherche scientifique, pratiquée depuis plusieurs années en chimie, par exemple, se développe peu à peu dans d'autres disciplines, y compris en sciences sociales comme le montre ce projet de Tufts University qui permet à tous les étudiants d'un département d'avoir accès, par le biais de séminaires, à des données de recherche inédites qu'ils pourront utiliser dans leurs travaux. Ce partage des données apparaît particulièrement crucial dans le cas de la recherche biomédicale et des essais cliniques. En effet, comme le montre le récent livre du Dr Goldacre Bad Pharma, les pratiques douteuses de certaines compagnies pharmaceutiques qui financent des essais cliniques les amènent à cacher des résultats de recherche défavorables à leurs produits, notamment le peu d'avantages d'un nouveau médicament par rapport à un autre ou ses effets secondaires indésirables. Le partage des données de recherche clinique apparaît comme une pratique qui, si elle se généralisait, rendrait peut-être plus difficile ce genre de fraude.
La science ouverte, qui priorise le travail collaboratif et le partage des connaissances, se développe aussi sous la forme de la science citoyenne (citizen science), c'est-à-dire de travaux scientifiques utilisant la contribution bénévole de citoyens. C'est le cas du Galaxy Zoo, ce projet collaboratif d'analyse des images rapportées par le télescope Hubble qui met à contribution plus de 200 000 citoyens. C’est la publication des images prises par le télescope sur Internet qui a rendu le projet possible. Finalement, la volonté d'ouvrir la science (et de recruter des étudiants à moyen terme) transforme aussi certaines pratiques universitaires. Ainsi, de grandes universités comme Stanford University et Harvard University ont commencé à rendre accessibles gratuitement plusieurs cours à distance sur la formidable plateforme Edx. Ces MOOC (Massive Open Online Courses) sont un nouvel outil de partage des connaissances scientifiques.
Les universités sont d'ailleurs concernées au premier chef par la science ouverte. Plusieurs d'entre elles ont adopté des politiques d'auto-archivage obligatoire destinées à baliser et à organiser l'accès libre aux publications scientifiques de leurs auteurs-chercheurs par le biais de dépôts institutionnels en accès libre. L'Université de Liège propose un modèle très efficace qui lui permet d'offrir en accès libre presque la totalité des publications de ses professeurs.Un guide de bonnes pratiques universitaires en matière d'accès libre a d'ailleurs été rédigé par les experts du Harvard Open Access Project à l'intention des universités qui voudraient se joindre au mouvement.
En somme, comme le dit l'appel du site central de l'Open Access Week:
“Open Access” to information – the free, immediate, online access to the results of scholarly research, and the right to use and re-use those results as you need – has the power to transform the way research and scientific inquiry are conducted. It has direct and widespread implications for academia, medicine, science, industry, and for society as a whole.
Open Access (OA) has the potential to maximize research investments, increase the exposure and use of published research, facilitate the ability to conduct research across available literature, and enhance the overall advancement of scholarship. Research funding agencies, academic institutions, researchers and scientists, teachers, students, and members of the general public are supporting a move towards Open Access in increasing numbers every year. Open Access Week is a key opportunity for all members of the community to take action to keep this momentum moving forward.