Liride

La thématique centrale des différents blogues présentés par le LIRIDE est bien entendu l’analyse du cycle de vie (ACV) et son rôle dans l’établissement d’impacts environnementaux associés à des activités de nature humaine. Un thème récurrent qui apparait est l’étude des conséquences de nos choix de société. Ce thème a été abordé notamment dans ce blogue et illustré dans celui-ci. Toutefois, tel qu’il a été détaillé dans cet autre blogue, la méthodologie en ACV ne s’intéresse pas seulement aux émissions dues aux conséquences anticipées d’un changement, mais aussi aux émissions qui ont actuellement cours. Deux principales familles d’ACV existent, soit l’ACV attributionnelle (ACV-A) et l’ACV conséquentielle (ACV-C), toutes deux intéressées à quantifier les impacts environnementaux, mais pas dans la même optique.

L’ACV-A est la forme la plus répandue en pratique1. Ce type d’étude environnementale s’intéresse particulièrement à établir l’impact environnemental des produits et services tels qu’ils sont dans le contexte de la société actuelle. En ce sens, la production d’une canne d’aluminium se fait par un alliage d’aluminium vierge et d’aluminium recyclé dans des usines où les techniques et machineries sont déjà connues. Cette même canne d’aluminium sera transportée à un supermarché pour la vente, consommation et récupération en fin de vie. Il est donc possible de prédire quel est le potentiel en impacts environnementaux de la canne d’aluminium qui est vendue au consommateur.  Ce type d’étude permet, par exemple, d’aider le consommateur à savoir quel produit porte le plus grand impact environnemental lorsqu’il lui est proposé, par exemple, deux emballages composés de matériaux différents pour un même produit. Ce type d’étude permet aussi à l’entreprise qui la conduit de s’interroger sur la principale source des émissions d’un produit et donc d’évaluer où elle devrait, à priori, concentrer ses efforts pour améliorer le profil environnemental de celui-ci. Dans le cas des bâtiments, étant donné une longue durée de vie utile, la consommation d’énergie pendant l’utilisation est souvent proéminente. Au Québec, avec l’hydroélectricité et dans les cas de bâtiments à consommation d’énergie réduite, cette phase demeure importante, mais le rapport de contribution des matériaux gagne en importance face à la phase d’utilisation. La figure 1 résume les étapes du cycle de vie d’un bâtiment.  

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Figure 1 – Principales phases du cycle de vie d'un bâtiment

L’ACV-C est la plus récente des deux familles. Celle-ci s’est taillée une place pour répondre à la question suivante quelles seront les conséquences lorsqu’un changement vient perturber l’équilibre d’un milieu économique ? Ici, les conséquences peuvent même aller jusqu’à un niveau macro-économique. L’horizon des conséquences varie en fonction de l’étude et se rapporte aux effets du pavé dans la marre pendant et après le retour au calme. Les objectifs peuvent être d’améliorer le rendement environnemental d’une industrie, de favoriser un produit, d’encourager des comportements auprès des citoyens (compostage, transports en commun, etc.) et même répondre à des cibles telles que celles de l’accord de Paris.  Pour y parvenir, ces études s’interrogent à propos des secteurs économiques touchés, de leur état actuel et de leur évolution au fil du temps. Ceci porte les ACV-C à offrir des prédictions fondées sur les technologies actuelles, les marchés ainsi que les technologies émergentes. Ainsi, ce type d’étude s’interprète comme une prévision météorologique pour laquelle un individu peut ultimement s’interroger sur le poids de la perturbation qu’il a initialement induit (par un changement de comportement ou par une politique).

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Une question adaptée au contexte de l’ACV-C est l’augmentation de la coupe d’arbres en sol québécois. Effectivement, il peut sembler contre intuitif d’augmenter la coupe d’arbres et d’espérer qu’un bénéfice environnemental en résultera. Or, en considérant le marché dans lequel le bois évolue, il peut tout autant être utilisé pour compétitionner l’industrie de l’acier ou du béton en bâtiment, lesquels génèrent eux aussi leurs propres fardeaux environnementaux et retombées économiques. Alors la question se complexifie, l’impact environnemental de la déforestation « durable » est-il préférable aux impacts du marché de l’acier ou du béton ? La figure 2 présente l’approche à préconiser dans la réponse à cette question.

 

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Figure 2 - Analyse des conséquences possibles d'une croissance dans la demande du marché du bois de construction

De cette dernière représentation, il est possible de voir que la cimenterie pourrait réduire sa production en conséquence à l’augmentation de la disponibilité du bois. Mais, il faut aussi tenir compte de la croissance en demande du bois, pouvant demander l’ouverture d’un nouveau site de récolte. Il existe donc un lien important entre la réaction économique, les capacités de production et les sites pour l’approvisionnement. Ces trois paramètres sont les principales sources de différences méthodologiques entre l’ACV-C et sa contrepartie, l’ACV-A.  

L’ACV-A et l’ACV-C sont tous deux des outils forts utiles pour assister la société dans son ensemble à réduire ses impacts environnementaux. Que ce soit à l’échelle d’un produit ou d’un virage à l’échelle macro-économique, l’important est d’avoir des méthodes universelles qui harmonisent les études entre-elles. C’est d’ailleurs pourquoi il existe des normes internationales spécialisées en ACV pour en règlementer la pratique. En ACV-A, l’un des principaux défis est de débusquer les cas d’écoblanchiment, lesquels prétendent à des pratiques respectueuses de l’environnement, sans offrir de comparaison équitable à une alternative disponible sur le marché. En ACV-C, l’un des défis est d’avoir une vision suffisamment élargie du système économique qui est touché directement et indirectement par la perturbation initiale pour avoir un portrait représentatif de ce qu’il y aura comme répercussions. Ces enjeux sont d’ailleurs ceux avec lesquels les analystes en cycle de vie jonglent régulièrement pour tenter d’éclairer le chemin vers des résultats positifs sur l’environnement.

Les deux familles d’ACV présentées sont donc complémentaires parce qu’elles abordent les défis environnementaux de façons totalement différentes. L’ACV-A s’interroge sur les actions observées, tandis que l’ACV-C se concentre sur les répercussions de ces actions. Ainsi, la meilleure réponse à votre questionnement en matière d’impacts environnementaux dépend principalement d’un seul facteur : Quel est l’objectif de votre étude?   

[1] D. Schrijvers, « Évaluation environnementale des options de recyclage selon la méthodologie d’analyse de cycle de vie : établissement d’une approche cohérente appliquée aux études de cas de l’industrie chimique », Université de Bordeaux, 2017.

 

  • Xavier Tanguay, étudiant à la maitrise en génie civil au LIRIDE (Université de Sherbrooke)
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