La production de semi-conducteurs, essentielle pour l'avancement technologique et l'innovation dans divers secteurs, a des implications environnementales souvent sous-estimées. Alors que ces composants sont au cœur de nombreux appareils électroniques, leur fabrication repose sur des processus complexes et énergivores qui génèrent des impacts notables sur l'environnement, allant de la consommation élevée d'énergie à l'utilisation de produits chimiques et à l’émission de puissants gaz à effet de serre. Comprendre ces impacts est crucial pour développer des stratégies visant à réduire l'empreinte écologique de la production de l’industrie des semi-conducteurs et à promouvoir une croissance durable dans ce secteur vital. C’est la tâche à laquelle s’est affairé le LIRIDE dans le cadre d’un récent contrat de recherche, introduit dans ce précédent article.
Afin de réaliser un bilan des impacts environnementaux de la production des semi-conducteurs et de développer des stratégies pour réduire les impacts, il est essentiel de comprendre les diverses étapes de fabrication.
Les étapes de fabrication des semi-conducteurs
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La fabrication de semi-conducteurs est un processus complexe qui se déroule en plusieurs étapes, chacune nécessitant des technologies de pointe et un contrôle rigoureux :
1. Conception et conception de circuits intégrés : Avant la fabrication, les ingénieurs conçoivent les circuits intégrés en utilisant des logiciels spécialisés. Cette étape implique la création de schémas détaillés et la simulation des performances pour s'assurer que le circuit répond aux spécifications requises.
2. Fabrication des wafers : Les semi-conducteurs sont fabriqués généralement en silicium. Le silicium est d'abord purifié et cristallisé en lingots. Ces derniers sont ensuite découpés en tranches fines appelées wafers. Ces wafers sont polis pour obtenir une surface lisse (figure 1).
3. Dépôt de couches minces : Des couches minces de matériaux conducteurs, semi-conducteurs ou isolants sont déposées sur la surface du wafer. Cela se fait par des techniques telles que la pulvérisation cathodique, la croissance épitaxiale ou le dépôt chimique en phase vapeur.
4. Photolithographie : Cette étape utilise la lumière pour transférer des motifs de circuits sur le wafer. Un film photosensible appelé résine est appliqué sur le wafer, puis exposé à la lumière à travers un masque comportant le motif du circuit. Après l'exposition, la résine est développée pour créer un modèle du circuit sur le wafer.
5. Gravure (etching) : Les parties non protégées du matériau déposé sont gravées à l'aide de produits chimiques ou de plasma pour créer les structures nécessaires. Deux grandes catégories de procédés sont utilisées à cette étape, soit les gravures par voies humides et par voies sèches. Cette étape enlève les couches non désirées, laissant derrière elles les motifs des circuits intégrés.
6. Dopage : Cette étape introduit des impuretés contrôlées dans le wafer pour modifier ses propriétés électriques. Le dopage est généralement réalisé par diffusion ou implantation ionique.
7. Dépôt de métal : Des couches métalliques sont déposées pour former les connexions électriques entre les différentes parties du circuit. Ces métaux sont souvent déposés par évaporation ou pulvérisation.
8. Broyage et découpe : Les wafers sont découpés en puces individuelles qui contiennent les circuits intégrés. Ce processus est souvent réalisé par une scie à fil.
9. Assemblage et encapsulage : Les puces électroniques sont montées sur des substrats et encapsulées dans des boîtiers pour les protéger et permettre leur intégration dans des circuits imprimés. L'assemblage peut inclure le soudage de fils ou l'utilisation de colles conductrices.
Quels sont les principaux impacts environnementaux liés à la fabrication des semi-conducteurs et comment les réduire?
Suite à la réalisation du contrat de recherche du LIRIDE portant sur l’analyse du cycle de vie de la fabrication des semi-conducteurs, voici les éléments qui ressortent comme étant les principaux contributeurs aux impacts environnementaux, ainsi que les pistes de solution pour réduire ces impacts.
Émissions de GES via l’utilisation de gaz fluorés : Les gaz fluorés jouent un rôle crucial en raison de leurs propriétés chimiques et physiques spécifiques qui sont essentielles pour divers processus de fabrication, dont les procédés de gravure par voies sèches (étape 5). Les gaz fluorés réagissent avec les matériaux du wafer pour former des composés volatils qui peuvent être facilement éliminés, minimisant ainsi les résidus et assurant une gravure propre et précise. Cela permet de créer des motifs très fins et complexes nécessaires pour les circuits intégrés modernes. Les gaz fluorés sont également utilisés pour le nettoyage des équipements de fabrication. Malgré leur utilité, les gaz fluorés présentent des défis environnementaux significatifs, notamment puisque certains de ces gaz sont des GES puissants (figure 2).
Plusieurs approches peuvent être prises pour minimiser les impacts environnementaux de ces gaz fluorés. La première solution consiste à optimiser les processus pour réduire les quantités de gaz fluorés requises. Deuxièmement, l’industrie développe et adopte des méthodes de gravure et de dépôt qui utilisent des gaz moins nocifs ou des technologies alternatives comme les plasmas à basse pression ou les techniques de gravure humide. La gestion des émissions passe également par la mise en place de systèmes de surveillance continue pour détecter et contrôler les fuites de gaz fluorés.
Les émissions de gaz fluorés jugées inévitables sont ensuite généralement dirigées vers des épurateurs d’air offrant des performances d’épuration oscillant entre 95% et 99% pour les divers gaz traités. Malgré les performances élevées d’épuration, les émissions résiduelles de gaz fluorés jouent un rôle crucial dans les émissions de GES liés à la production des semi-conducteurs, en raison du potentiel de réchauffement global élevé pour ces gaz, ainsi que les quantités de gaz requises pour les procédés.
Consommation d'énergie : La fabrication de semi-conducteurs est très énergivore, notamment pour la fabrication des wafers (étape 2) et pour le maintien de conditions environnementales très exigeantes au sein des salles blanches où les étapes de production sont réalisées. Les équipements de haute technologie consomment également une quantité d’énergie importante pour réaliser les diverses étapes de fabrication, et engendrent ainsi de grandes demandes d’énergie en refroidissement.
Conséquemment, la première solution à implanter est d’appliquer rigoureusement tous les principes d’efficacité énergétique de bâtiments. Il est notamment recommandé, principalement dans les régions aux climats semblables à ceux du Canada, de récupérer la chaleur dégagée par les procédés pour combler les besoins de chauffage élevés liés au fait que les salles blanches nécessitent un nombre de changements d’air par heure (par introduction d’air extérieur devant être conditionné) très élevé.
La deuxième solution consiste à réduire au minimum l’utilisation de combustibles fossiles pour produire l’énergie requise. Il est donc recommandé d’électrifier les équipements de chauffage et d’humidification du bâtiment, ainsi que de favoriser l’implantation d’usines de fabrication de semi-conducteurs dans des régions où la production d’électricité est majoritairement issue d’énergies renouvelables.
Une troisième solution liée aux besoins énergétiques en refroidissement consiste à limiter les fuites de réfrigérants en assurant un suivi rigoureux des émissions des équipements de refroidissement et des réfrigérateurs et congélateurs utilisés dans les procédés de fabrication. L’utilisation de réfrigérants alternatifs ayant des potentiels de réchauffement global plus faibles est également recommandée.
Utilisation de produits chimiques : Les procédés de fabrication des semi-conducteurs utilisent une variété de produits chimiques, dont certains sont toxiques. Par exemple, le tétraméthylammonium hydroxyde (TMAH) est un produit chimique (base) principalement utilisé comme révélateur en photolithographie (étape 4) et pour la gravure des wafers par voie humide (étape 5). Ses impacts environnementaux sont significatifs et nécessitent une gestion attentive. En effet, le TMAH est hautement toxique pour l’humain, il présente une écotoxicité importante pour les environnements aquatiques, et est considéré comme un produit chimique persistant dans l’environnement.
La manipulation et l'élimination du TMAH sont donc soumises à des réglementations environnementales strictes. Des processus spéciaux de traitement des déchets sont nécessaires pour neutraliser et éliminer en toute sécurité les déchets contenant du TMAH. Assurer la conformité à ces réglementations est crucial pour minimiser son impact environnemental. Plusieurs projets de recherche et développement au sein de l’industrie sont en cours pour développer des produits alternatifs moins nocifs qui réduiraient l’utilisation du TMAH dans la fabrication de semi-conducteurs.
Utilisation de ressources en eau : La fabrication de semi-conducteurs requiert d'énormes quantités d'eau, notamment pour les procédés de fabrication et le refroidissement des équipements. L'eau déionisée (DI) est essentielle pour la fabrication de semi-conducteurs. Elle est purifiée pour éliminer les ions et les contaminants qui pourraient interférer avec les processus de fabrication. Cette eau est utilisée pour le rinçage, la préparation de solutions chimiques, et comme solvant dans divers procédés. L'eau ultra-pure est une forme encore plus pure que l'eau déionisée, souvent requise dans les étapes les plus critiques de la fabrication, comme le nettoyage des wafers. Elle est traitée pour éliminer presque toutes les impuretés, y compris les particules, les micro-organismes, et les traces de contaminants chimiques. L'eau ultra-pure est obtenue par des processus tels que la filtration sur membrane, l'osmose inverse, la distillation, et l'électrodéionisation. La production de l’eau déionisée et l’eau ultra-pure requiert des quantités importantes d’azote gazeux et d’énergie (forces motrices des pompes).
Il est possible de limiter la quantité d’eau requise en récupérant l’eau utilisée lors des divers procédés et en la traitant. Ce faisant, plusieurs étapes de filtration et de purification peuvent être évitées, et la quantité d’eaux usées rejetées est également diminuée. Il est à noter que les rejets d’eaux usées de l’industrie des semi-conducteurs doivent satisfaire à des normes environnementales strictes et il est donc généralement nécessaire de procéder à un prétraitement local des eaux usées avant de les rejeter vers l’usine municipale de traitement des eaux usées.
Extraction des matières premières : Les semi-conducteurs nécessitent des matériaux tels que le silicium, l’or, le cuivre, le nickel et l’argent. L'extraction de ces matériaux peut entraîner des perturbations environnementales, notamment la déforestation, la perte de biodiversité, et la pollution des sols et des eaux de la région minière.
Pour réduire les impacts environnementaux liés à l’usage de ces matériaux, la conception des circuits intégrés joue un rôle important en limitant la quantité de matériaux nécessaires pour accomplir les tâches. La loi de Moore, formulée par Gordon Moore en 1965, stipule que le nombre de transistors sur une puce électronique double environ tous les deux ans, ce qui signifie que les circuits deviennent plus puissants sans augmenter leur taille physique. Cette observation a conduit à une miniaturisation continue des transistors, permettant une augmentation rapide de la puissance de calcul des dispositifs électroniques, tels que les ordinateurs et les téléphones intelligents. Cependant, la réduction des tailles de transistors atteint maintenant des limites physiques, le doublement de la densité devient donc maintenant de plus en plus difficile. Les concepteurs visent donc d’autres axes d’améliorations, notamment en favorisant le prolongement de la durée de vie des produits, la conception modulaire et la facilitation du recyclage des composants.