Depuis la signature du traité de Paris, le Canada est en lutte contre les GES. Électrification des transports, taxe carbone, efficacité énergétique tous les moyens sont bons pour atteindre les objectifs de 2030. L’industrie de la construction et de l’utilisation des bâtiments est responsable de près de 30% des émissions totales canadiennes selon le Conseil du bâtiment durable du Canada [1]. Le gouvernement doit donc s’y pencher, mais où doit-il attaquer d’abord ?
Pour les nouveaux bâtiments, nous avons la chance d’avoir une page blanche. Il est possible de concevoir les ajouts au parc immobilier de façon que l’impact sur les changements climatiques soit le plus faible possible. Les professionnels devront faire des compromis afin de concevoir des bâtiments à faible empreinte carbone. Ceux-ci devront donc se poser des questions comme : où se situent les émissions de gaz à effet de serre de mon bâtiment par rapport à la moyenne régionale? Quels matériaux ou paramètres de mon bâtiment puis-je modifier afin de réduire son impact environnemental?
Pour répondre à ces questions, le gouvernement et les professionnels doivent pouvoir estimer efficacement l'impact sur les changements climatiques des bâtiments et les moyennes régionales par usage de bâtiment. La présente recherche au LIRIDE (Université de Sherbrooke) a pour objectif de faire une méta-analyse et une harmonisation des analyses du cycle de vie (ACV) existantes de bâtiments afin de définir les moyennes d’impacts environnementaux de bâtiments canadiens par typologie et par province. Ces résultats seront ensuite comparés aux règlements et certifications canadiens qui visent la réduction des émissions de carbone des bâtiments comme la certification bâtiment à carbone zéro, le Toronto Green Standard et les modifications au Building By-Law de la ville de Vancouver.
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L’ACV est un outil de choix pour évaluer les impacts environnementaux de tout produit ou service, dont les bâtiments. L’ACV est de mieux en mieux implantée dans l’usage en Amérique du Nord. Les résultats d’impact sur les changements climatiques de bâtiments sont donc plus nombreux, ce qui permet de constituer une base de données assez importante pour définir des résultats moyens pour plusieurs usages de bâtiment (Résidentiel, Commercial, Institutionnel).
Un problème surgit toutefois lors de l’analyse des résultats. Ils présentent une grande variabilité. Cette variabilité est, entre autres, la conséquence de l’hétérogénéité des paramètres utilisés dans les ACV (si ce sujet vous intéresse, jetez un œil à l’article de Mélissa). Une réduction de la variabilité grâce à l’harmonisation permettrait de définir les valeurs moyennes d'émissions de GES avec une plus grande certitude. Le processus sera appliqué aux ACV de bâtiments nord-américains afin de définir les moyennes régionales canadiennes.
Une fois que le pari de définir des valeurs moyennes d’impact sur les changements climatiques à partir de résultats d’ACV hétérogènes sera réussi, à quoi serviront ces moyennes? Les résultats de la recherche pourront servir de valeurs de référence pour l'évaluation des émissions de GES des bâtiments par les professionnels. Elles pourront aussi servir de barèmes pour la définition de seuils maximums d’émissions pour les règlements et les certifications visant la carboneutralité des bâtiments.
Le Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa) a déjà défini des seuils maximums d’émissions de GES dans la phase de production des matériaux et la phase de construction. Ces seuils sont spécifiés dans le cadre de la certification du bâtiment à carbone zéro (BCZ) [2]. Ils varient en fonction du type de bâtiment analysé. Est-ce que ces seuils sont facilement atteignables? Est-ce qu’ils correspondent aux valeurs moyennes d’émissions des bâtiments de ce type? Ces questions sont importantes pour les autorités qui définissent les seuils ainsi que pour les professionnels et les clients qui souhaitent obtenir une certification.
Dans plusieurs grandes villes du Canada, les seuils d’émissions maximums de GES sont intégrés dans les règlements municipaux de construction de bâtiments. Toronto, par exemple, régit depuis 2022 les émissions des nouvelles constructions résidentielles de plus de 4 étages et de tous les bâtiments industriels, commerciaux et institutionnels par le biais du Toronto Green Standard V.4 (TGS) [3]. Vancouver prend aussi part aux efforts en appliquant depuis juillet 2023 des modifications à son règlement [4]. Ces modifications incluent un seuil limite d’émissions de GES pour les nouveaux bâtiments résidentiels qui comptent entre 4 et 6 étages. Ces modifications seront étendues en 2025 pour tous les bâtiments résidentiels de plus de 4 étages ainsi que les hôtels et les motels.
La comparaison des moyennes par type de bâtiment avec les seuils limites des certifications et règlements permettra d’avoir un meilleur portrait de la situation actuelle des bâtiments canadiens (comme illustré à la figure 2). Cette analyse peut aussi permettre d’estimer le potentiel de réduction d’émissions de ces règlements.
Dans une période où les autorités développent et mettent en application des règlements et des certifications qui visent une réduction de l’impact sur les changements climatiques des nouveaux bâtiments, il est essentiel d’avoir des valeurs moyennes d’émissions de GES des bâtiments par usage. Ces valeurs pourront servir de références pour l’élaboration des seuils limites d’émissions en plus de guider les professionnels vers des objectifs de réduction d’émissions réalisables. Dans le cadre de ce projet de recherche, la méthodologie de méta-analyse et d’harmonisation d’ACV de bâtiments pourra aussi servir pour définir les valeurs moyennes d'autres impacts environnementaux tels que l'acidification, le potentiel de destruction de la couche d'ozone ou le potentiel de formation de smog.
Par Benjamin Lacroix, étudiant à la maîtrise au LIRIDE (Université de Sherbrooke).