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Durable, moins polluante, et plus efficace. Voilà quelques-unes des promesses de la chimie verte, une nouvelle tendance qui gagne du terrain chez les scientifiques canadiens. Seulement au Québec, ils sont maintenant quelque 80 chercheurs à plancher sur divers projets liés à cette nouvelle spécialisation de la chimie.

Le concept de la chimie verte est simple, explique Chao-Jun Li, l’un des chefs de file en matière de chimie verte au Canada, professeur et titulaire d’une chaire de recherche dans ce domaine à l’Université McGill. Selon lui, il faut repenser les réactions chimiques. La méthode traditionnelle implique un grand nombre de composantes. Désormais, les chimistes se tournent vers des formules plus simples et plus environnementales. Que ce soit d'utiliser l'eau comme solvant, de réduire les matériaux utilisés, et même, si possible, d’éliminer des étapes de la production. « Il s'agit de faire, en quelque sorte, un vol direct vers une destination plutôt que de passer par de nombreux arrêts », résume Chao-Jun-Li.

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En pharmacologie, l'économie se fait au chapitre des atomes, explique de son côté Jean Lessard, chercheur en chimie à l'Université de Sherbrooke et spécialiste de la pharmaceutique. Auparavant, rappelle-t-il, il fallait utiliser 1000 molécules lors des procédés de synthèse pour n’en garder qu'une centaine. En gaspillant, au passage, la majorité des matériaux. Aujourd'hui, la perte est presque nulle du début à la fin du processus.

L'impact de cette économie d'atomes peut paraître assez peu tangible. Et pourtant, il suffit de se tourner vers Pfizer pour en comprendre toute la teneur. L'exemple du Viagra est en effet assez éloquent : en 1990, la production d'une livre de petites pilules bleues générait près de 750 fois son poids en déchet. Aujourd'hui, la fabrication de la même pilule ne représente que trois livres de déchets.

L'intérêt de l'industrie

Per capita, le Québec est le chef de file au Canada de la chimie verte, soutient Michel Lachance, directeur du secteur bioproduits industriels et technologies vertes au Centre québécois de valorisation des biotechnologies (CQVB). Son organisme joue en quelque sorte un rôle de courtier entre la recherche et l'industrie. Son but est de promouvoir l'utilisation des travaux des premiers chez les seconds.

Si l'intérêt de l'industrie pour la recherche en chimie verte commence à se manifester, le financement, lui, n'est pas encore au rendez-vous. Comme dans d’autres secteurs en émergence, les investisseurs se retrouvent dans une position ambiguë : ils prennent des risques… mais le moins possible. L'année dernière, les investissements en technologies propres ont, pour la première fois, dépassé les investissements en informatique. La preuve, selon le représentant du CQVB, de l’intérêt certain de l’industrie pour ce nouveau secteur.

Certaines industries connaissent déjà bien le concept : L'Oréal, Pfizer et Cascades sont du nombre des convertis. D'autres tardent à s'y intéresser. Certaines entreprises, notamment au Québec, hésitent en effet encore à se tourner vers cette nouvelle chimie, les investissements nécessaires pouvant parfois être importants.

Les chimistes québécois voient vert

Une nouvelle chaire de recherche en chimie verte à Montréal, un programme de chimie de l'environnement à Rimouski et des projets en développement à l'Université de Sherbrooke et celle de Laval. Durant les dernières années, les initiatives de recherche en chimie verte se sont multipliées.

Chercheur à l'Université de Sherbrooke, Carmel Jolicoeur a développé une méthode pour réutiliser une partie des cendres provenant de la combustion du charbon dans la fabrication du béton. Grâce à ses travaux, il est parvenu à valoriser la réutilisation d'un certain type de ces cendres pour l'intégrer au béton. Le processus se traduit par une diminution de pollution équivalant au retrait, pendant un an, de 700 000 voitures sur la route.

Mohammed Benyagoub voit l'avenir dans le « biosourcé », soit l'utilisation d'organismes vivants pour créer des produits chimiques plus verts encore. Directeur exécutif du Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ), il s'oriente particulièrement vers le biomatériel — l'utilisation par exemple d'enzymes ou d'acides aminés – pour fabriquer des produits chimiques.

Ses travaux vont dans le même sens que ceux d’autres chercheurs de l'Université du Québec à Rimouski qui développent des méthodes de maximisation de la biomasse provenant du secteur de la pêche. Grâce aux travaux de Lucie Beaulieu, professeur de chimie, les rejets de la pêche au crabe pourraient notamment servir d'agent de conservation dans certains aliments, comme la viande.

D'autres chercheurs planchent, en ce moment, sur des produits dérivés de la crevette. Des protéines extraites des crustacés, intégrées dans la peinture, permettraient d'éviter la corrosion... sur les bateaux de pêcheurs. De quoi générer de l'intérêt pour la recherche… avec une ressource à portée de main.

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