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2013 n’incarne pas uniquement l’Année du quinoa et celle de la coopération dans le domaine de l’eau, elle est aussi celle des mathématiques de la planète Terre. Une idée propulsée par la Québécoise Christiane Rousseau, du Centre de recherches mathématiques de l’Université de Montréal. L’initiatrice et coordonnatrice nous confie les raisons de mettre la Terre au cœur des maths.

ASP – Qu’est ce que l’Année des mathématiques de la planète Terre?

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Christiane Rousseau (CR) – Elle a démarré le 7 décembre dernier —avec une série de conférences et une table ronde à Montréal. L’idée date de 2010 avec au départ, une collaboration interuniversitaire de 13 centres de recherches mathématiques du Canada et des États-Unis autour d’études sur les changements climatiques et le développement durable. Ça arrive au bon moment: les mathématiciens ne sont pas assez impliqués dans ces domaines. Ils n’ont pas assez conscience qu’ils ont un rôle à jouer, que les études sur les changements climatiques et le développement durable ont besoin de modèles et d’outils mathématiques. Il y a aussi la nécessité de tisser des ponts entre les disciplines et de monter des partenariats. Cette année, plus d’une centaine de sociétés scientifiques, d’universités et de centres de recherche de 30 pas se sont réunis pour monter des conférences, des activités et des programmes autour de ces thématiques. À cela se rajoute un volet grand public qui permet de voir la Terre avec des lunettes mathématiques.

ASP – D’où vous vient cette idée?

CR – En tant que directrice du Centre de recherches mathématiques de l’Université de Montréal, je rencontrais, une fois par année, les autres directeurs des instituts mathématiques canadiens et américains. Lorsque j’ai parlé de ce projet, le président de la National Science Foundation des États-Unis a été séduit et l’a retenu comme un des axes de recherche à subventionner. Le thème est large: des mouvements planétaires à la survie des écosystèmes. Tous les grands systèmes que nous connaissons –sociaux, économiques et même financiers— peuvent être expliqués par les mathématiques. Par exemple, si vous vous intéressez au système électoral et que vous cherchez celui à élaborer le plus équitable, vous allez devoir recourir à des modèles mathématiques. Mais il n’y a pas de système parfait.

ASP – Comment les mathématiques peuvent-elles soutenir le développement durable?

CR – Prenez l’exemple des pêcheries. Lorsqu’on pêche, il importe de laisser des poissons aux générations suivantes. Si on ne règlemente pas, les populations de poissons vont diminuer et les prix vont monter. Ce qui va pousser les pêcheurs à pêcher plus, au risque d’épuiser la ressource –comme on l’a vu avec la morue. Alors, comment prendre la bonne décision: optimiser les revenus tout en protégeant la ressource? Ce sont des questions complexes. Il faut d’abord mieux comprendre la reproduction des poissons par des études longitudinales qui demandent des mathématiques. Un autre exemple serait la gestion des épidémies et des campagnes de vaccination, cela requiert des modèles mathématiques pour maximiser les efforts et ainsi, les contrôler.

ASP – Quel est le programme de cette Année des mathématiques de la Terre?

CR – Au départ, il s’agissait d’activités scientifiques dans le cadre du programme conjoint pancanadien —épidémiologie, écologie et santé publique. Le 5 mars, il y aura le lancement européen à l’Unesco. Il y a tout un lot de conférences intéressantes, telle «La prévision des grandes catastrophes» en septembre ou, à Montréal, notre participation aux 24 heures de science de Science pour tous à l’UQÀM, en avril.

Un projet original que je voudrais souligner est notre exposition virtuelle Open Source. Il s’agit d’une compétition ouverte où tous les modules créés pourront être utilisés par les musées du monde entier ou les écoles. Il y a une exposition physique itinérante où l’on peut découvrir la cartographie (simulation de dispersion des cendres de volcan, régression des glaciers, etc.), des principes physiques (la formation des vagues des tsunamis, le fonctionnement des GPS, etc.) et aussi des grands enjeux climatiques et de développement durable. La revue Accromath sortira aussi un numéro sur les mathématiques de la planète Terre qui sera distribué aussi en Afrique francophone, car il y a des articles sur des sujets qui les concernent, telle la modélisation des maladies infectieuses. C’est sûrement mon plus gros coup de cœur du projet.

ASP – Que désirez-vous laisser après 2013?

CR – On me parle encore de la campagne d’affiches de l’Année des mathématiques, que l’on pouvait voir notamment dans le métro de Montréal, et pourtant, cela date de 12 ans. Cela a permis de sensibiliser les gens au fait que les maths sont partout.

Comprendre la Terre, c’est un sujet fascinant pour tous, en commençant par les jeunes, à l’école. Cela fait partie de l’éducation citoyenne. Cela contribue également à favoriser les rencontres, les partenariats entre les mathématiciens et d’autres scientifiques. Un problème planétaire —par exemple, la fonte des glaces présentée lors d’une des 9 conférences Simmons— pourrait susciter un intérêt de la part d’un mathématicien théoricien.

L’effort ne s’arrête pas en 2013. Les changements climatiques pourraient faire l’objet de discussions dans les classes de mathématiques. Cela pourrait inciter les jeunes à faire des maths. Comme la compétition sportive ou la musique, cela demande de la discipline et des efforts mais peut être aussi très amusant. Avec l’Année des mathématiques de la planète Terre, on leur montre que faire des mathématiques, c’est aussi être connecté sur les grands problèmes de notre époque.

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