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Sur les toits, les campus universitaires ou dans les jardins, les projets de ruchers urbains, mettant en vedette des abeilles domestiques, se multiplient à Montréal, au point de faire oublier la présence des nombreuses espèces indigènes. Pourtant, au Québec seulement, il existerait 350 espèces d’abeilles, dont près de 136 présentes dans la seule métropole.

C’est bien moins qu’à New York qui en dénombrerait 250 espèces différentes. «C’est un chiffre provisoire», relève d’emblée Étienne Normandin, entomologiste et fondateur d’AnimaNature, qui piège les abeilles indigènes à l’aide de petits bols de couleur emplis d’eau savonneuse. Son but: réaliser le premier inventaire des espèces d’abeilles montréalaises et québécoises.

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L’étudiant à la maitrise de biologie à l’Université McGill et à l’Université Laval a dressé un aperçu de ses travaux de recherche lors de la récente semaine des pollinisateurs.

Partager la ville avec les abeilles

Les villes attirent les butineuses. Elles possèdent différents espaces verts dotés d’une diversité florale appréciable, d’une exposition réduite en pesticide –l’usage en est interdit à Montréal– et d’une période de floraison plus longue. De plus, la terre –contrairement aux zones agricoles fréquemment labourées– n’est pas remuée souvent. Et c’est là que 70% des abeilles nichent. Parmi ce lot, certaines espèces sont spécialistes de certaines plantes et visitent donc une moins grande variété de fleurs que les abeilles à miel, mais sont tout aussi indispensables à la reproduction de bon nombre de plantes.

Après avoir posé des pièges dans divers lieux de la ville —parcs, cimetières et jardins communautaires—, le jeune entomologiste a découvert une abondance d’abeilles indigènes dans les cimetières. «Leur grande taille assure beaucoup de place aux abeilles pour y nicher», explique-t-il.

Les abeilles mellifères sont de grands visiteurs des jardins communautaires où l’on retrouve bon nombre de plantes potagères importées. C'est là que l'on retrouve les mêmes espèces d'abeilles, car les variétés de plantes sont très similaires —les jardiniers plantent souvent les mêmes : tomates, poivrons, etc.— contrairement aux autres types de milieux (cimetières et parcs) où les espèces de plantes varient beaucoup plus d'un site à l'autre.

La ville, terrain des envahisseurs

Les pollinisateurs généralistes —qui butinent plusieurs espèces de plantes— ont également plus de chance face aux envahisseurs. En effet, les insectes envahisseurs s’avèrent parfois plus agressifs que les espèces indigènes. Le jeune entomologiste a ainsi pu observer le comportement territorial d'une nouvelle venue. «De plus en plus, les espèces indigènes doivent composer avec de nouvelles espèces introduites, un facteur accentué en ville. C'est pourquoi dans 10 ans, nous aurons peut-être du mal à trouver une abeille québécoise dans la métropole», soutient même Étienne Normandin.

L’installation de quelque 500 pièges en ville et la récolte d’environ 8000 individus ont également permis au jeune entomologiste de constater l’effritement de leurs habitats en raison de l'urbanisation et l'agriculture. «En fait, il n’y a plus qu’au mont Albert et au mont Yamaska au Québec que l’on croise des collétidés (abeilles plâtrières). Pour les andrenidés (abeilles fouisseuses), il n'y a seulement une douzaine d'espèces présentes en ville, contrairement aux 72 que l'on peut trouver au Québec», précise-t-il.

Pour garder ces espèces à proximité du jardin, il faut planter des plantes indigènes —comme le le chardon, la bourrache, la marguerite, le cerisier, etc.— ou encore laisser pousser le pissenlit au lieu de l'arracher (!), penser à privilégier une longue floraison et laisser des nichoirs (des branches creuses et percées de trous) et des sections de terrains en friche.

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