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En remettant le Nobel de physique aux inventeurs de la lumière LED, le comité est allé à l’encontre de toutes les prédictions —encore. Mettant à nouveau le doigt sur la grosse qualité et le gros défaut des Prix Nobels: ils savent réserver des surprises... et les critères sont flous.

Aucun de ceux qui prétendent pouvoir prédire les Nobels n’avait en effet vu venir cette annonce. Ni Thomson Reuters, qui se fait une spécialité de «prédire» les Nobels chaque année, sur la base du nombre de citations dans la littérature scientifique. Ni une équipe réunie par le Scientific American pour regarder dans sa boule de cristal.

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Thomson Reuters, incidemment, n’avait pas prédit le Nobel de médecine d’hier non plus.

La découverte est on ne peut plus ancrée dans le monde pratique et dans les défis environnementaux d’aujourd’hui: la lumière LED utilise moins d’énergie, dure plus longtemps et n’utilise pas de mercure. Alors qu'il reste au réseau électrique mondial à atteindre plus d'un milliard de personnes, ce sera une économie d'énergie déterminante pour le 21e siècle.

Les trois gagnants, Isamu Akasaki, Hiroshi Amano et Shuji Nakamura, sont en effet honorés pour avoir littéralement inventé cette lumière LED qui se retrouve aujourd’hui partout, des ampoules à longue vie jusqu’aux téléphones cellulaires. Plus spécifiquement, ils ont inventé la «couleur manquante» à l’époque: le bleu.

Depuis près d’une trentaine d’années, existaient déjà des diodes rouges et vertes, mais lorsqu’au début des années 1990, Akasaki, Amano et Nakamura ont produit des rayons de lumière bleue à partir de leurs semi-conducteurs, ils ont «révolutionné la technologie de l’éclairage», écrit le Comité Nobel. Cette combinaison de rouge, vert et bleu était nécessaire pour nous donner la lumière blanche dont nous avons besoin.

Et ce n’était pas de la recherche fondamentale: l'objectif était clair et l’industrie était impliquée dans le financement. Alors qu’Akasaki et Amano étaient employés par l’Université de Nagoya, au Japon, Nakamura était employé par la compagnie Nichia Chemicals. Un fait qui a permis à ce dernier de réclamer sa part des énormes profits: après avoir quitté le Japon pour prendre un poste à l’Université de Californie, il a poursuivi en 2001 la compagnie Nichia, qui ne lui avait versé qu'un bonus de 200$ pour sa découverte. La cause s’est réglée en 2005 pour 8 millions.

Prédictions manquées

Basé sur le nombre de citations scientifiques toutefois, Thomson Reuters penchait plutôt du côté de la recherche fondamentale: l’effet Hall quantique, les matériaux multiferroïques ou la photonique des nanofils. Quant au panel du Scientific American, il imaginait matière sombre, téléportation quantique ou oscillation des neutrinos.

D’autres voyaient aussi du côté des femmes, ou plutôt espéraient un revirement: seulement deux femmes ont remporté l’un des 195 Nobels de physique remis depuis 1901, et aucune depuis... 51 ans! Le nom le plus souvent cité était celui de Vera Rubin, pour avoir fourni la première observation indirecte de la matière sombre. Vera Rubin, aujourd'hui âgé de 86 ans, revient régulièrement, depuis des années, dans les prévisions.

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