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Leur cellulaire perpétuellement à la main, les jeunes changent les pratiques des médias de divertissement. Entre les séries conçues uniquement pour Internet et l’offre de la télévision connectée, leurs attentes ne sont plus les mêmes que celles de leurs aînés.

« Ils sont à la recherche de plus de convivialité et de plus de contenu, sans avoir l’impression de regarder la télé : univers complexes, trames élaborées et mélange des genres », détaille la professeure au département de communication sociale et publique à l’Université du Québec à Montréal, Christine Thoër.

« J’en regarde beaucoup — Dr Who, The Alienist, Game of Thrones, Brooklyn Nine-Nine, etc. — sur l’ordinateur ou à la télé, mais surtout à la maison : dans la chambre, au salon ou dans la cuisine », dit Myriam, 22 ans, en programme international à l’Université de Montréal.

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« Cela leur permet de faire du multitâche, explique Christine Thoër. Ils vont écouter la musique et lire, faire les devoirs tout en regardant du contenu. C’est très difficile d’isoler une connexion, car les jeunes sont loin d’être passifs devant ce qu’ils regardent ».

« Ce sont souvent des recommandations de mes amis et j’en parle avec eux, et avec ma coloc, avec qui je regarde aussi des films », confirme Myriam. Elle visionne « de tous les styles », mais essentiellement en anglais ou en version originale, avec les sous-titres. « Pour me mettre dans l’ambiance et entendre les voix des acteurs, c’est ce que je préfère. »

Les séries, c’est aussi un sujet de conversation important. « Bien qu’ils regardent beaucoup de séries seuls et à la maison, ils en parlent beaucoup entre eux, avec les amis et leur famille. Cela alimente leur réflexion sur des problématiques sociales — par exemple, Fugueuse, sur la prostitution chez les jeunes », relève la chercheuse.

Son étude auprès de 502 jeunes adultes francophones, dont un premier rapport a été présenté lors du dernier congrès de l’Acfas, montre que les jeunes regardent aussi des séries québécoises. Et ils en regarderaient plus si les plateformes, comme Netflix, en offraient plus.

 « Unité 9 fait partie des 5 séries les plus regardées. Il y a un attachement aux séries québécoises, mais elles sont moins visibles lorsque les jeunes se connectent sur Internet », soutient Christine Thoër. Ce que José, 19 ans, en droit au cégep, confirme : « je regarde pas en français et peu de séries québécoises — sauf Les Parents. Sur Netflix, il y a peu de contenu en provenance du Québec ».

La chercheuse a mené également avec le CEFRIO une étude quantitative sur les pratiques de divertissement en ligne des 12-25 ans, Visionnement connecté des jeunes au Québec. Une enquête qui avait fait ressortir que tous sont très actifs : 57 % regardent tous les jours des contenus différents — même si le temps de visionnement varie entre les 12-15 ans, les 16-18 ans et les 19-25 ans. Il y a une grande fragmentation des contenus regardés, mais la culture de la gratuité d’Internet domine.

Les séries policières frappent fort

José visionne surtout des séries policières : « je regarde environ 10 épisodes par semaine, sur mon cellulaire ou à l'ordinateur, essentiellement en anglais ou en espagnol, telles que Orange is the New Black, How to Get Away from Murder, CSI Miami, Pablo EscobarLa Casa de Papel, etc. »

Les séries policières cartonnent. « Mais ce n’est plus juste une série policière, on y trouve aussi de l’humour, des personnages creusés, des préoccupations sociales et des références qui vont faire réfléchir », relève la Pre Thoër.

Ce que les jeunes recherchent avant tout « c’est une autre manière de se faire raconter des histoires. Cela devient un rituel et une source de référence qu’ils partagent entre jeunes et qui participe aussi à leur construction identitaire. Les parents auraient intérêt à s’y intéresser », soutient encore la chercheuse.

Par contre, les jeunes avouent que le plus souvent, ils ignorent sur quelle plateforme — hors Netflix — ils visionnent leurs séries préférées. L’engagement des jeunes téléphages s’avère aussi plus volatil devant la surabondance des séries : plus de 500 étaient proposées en 2017 aux États-Unis (quoique pas toujours accessibles au Québec).

« Je regarde beaucoup de séries en rotation, mais je trouve qu’avec le temps, elles se ressemblent toutes beaucoup. Un de mes critères est de regarder les séries d’un acteur que j’apprécie. J’ai découvert ainsi Broadchurch, la fantastique série policière que je suis en ce moment », dit Myriam.

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