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C’est le genre de découverte dont la force d’attraction engloutit tous les superlatifs, ne laissant sur ses bordures qu’un amalgame confus d’émotions admiratives.

Au-delà de la photo du trou noir qui a fait le tour du monde jeudi, il y avait certes des explications scientifiques. Mais qui peut vraiment se targuer de comprendre ce que veut dire une « trappe » dans l’espace-temps qui a digéré l’équivalent de 4 millions de Soleils ? Passé un certain seuil, l’astronomie a ces phénomènes dont la puissance dépasse l’entendement.

Les experts, eux, sont habitués de jongler avec ces concepts, puisque dès 1971, des physiciens avaient estimé la puissance que pourrait avoir un tel phénomène cosmique; dès 1974, avait été détectée une source radio très compacte et très puissante au centre de notre galaxie; et dans les années 1990, les astronomes Andrea Ghez et Reinhard Genzel avaient estimé, sur la base des orbites d’étoiles situées près du centre de notre galaxie, qu’un trou noir massif s’y trouvait. Ça leur a valu le Nobel de physique en 2020. La photo de ce « Sagittarius A* » est donc l’aboutissement d’un long fil d’hypothèses et de calculs.

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Et encore, « photo » est un grand mot puisque la fameuse image qui a fait le tour du monde ne montre pas vraiment un trou noir. Comme aucune lumière ne peut s’en échapper, personne ne peut voir un trou noir: l’image laisse tout au plus deviner ses forces gravitationnelles, à travers les formes irrégulières de l’anneau rougeâtre de plasma chaud qui l’entoure.

Autre superlatif: cette masse de 4,14 millions de fois notre Soleil est concentrée dans un espace de la taille de l’orbite de la planète Mercure.

Encore un superlatif: même cette puissance n’est rien, puisque ce trou noir, tout « super-massif » qu’il soit, est un nain à côté du premier trou noir jamais photographié, dont l’image avait été publiée en 2019. Appelé M87*, il fait 6,5 milliards de fois la masse du Soleil, soit plus de 1000 fois Sagittarius A*. La raison pour laquelle nous pouvons étudier un « nain » comme Sagittarius: il est dans notre propre galaxie, à seulement 26 000 années-lumière de nous. M87 est à 55 millions d’années-lumière.

Les deux photos ont été prises par la même équipe de chercheurs, en avril 2017. S’il a fallu autant de temps pour obtenir l’image parue cette semaine, c’est d’une part parce que ce qu’on appelle « une photo » est en fait un amalgame de photos prises par huit télescopes distincts à travers le monde —un projet collaboratif réunissant 350 scientifiques et appelé le Event Horizon Telescope. Mais la photo de l’autre trou noir était elle aussi un amalgame de plusieurs télescopes. Or, celui-ci présentait, en plus, une difficulté majeure: étant 1000 fois moins massif, il change d’apparence plus vite —aux cinq minutes, estiment les chercheurs. Des images prises pendant une semaine, il a donc fallu obtenir un résultat final qui élimine, littéralement, les flous, et qui remplit les espaces vides.

Mais la prochaine étape, évoquée jeudi, est rien de moins qu’un film, pour montrer ces changements dans le temps. En profitant des 4000 téraoctets d’informations récoltées en 2017 —encore un superlatif— et, probablement, d’autres observations effectuées depuis, en 2021 et 2022. Un film n’apprendre rien de plus aux experts, mais on peut s’attendre à d’autres « oh » et « ah » d’admiration.

 

Source de la photo: Event Horizon Telescope Collaboration

Vidéo: Meet Sgr A*: Zooming into the black hole at the centre of our galaxy, European Southern Observatory, 12 mai

Ce texte a été corrigé le 13 mai pour clarifier la confusion sur la comparaison avec Mercure.

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