video et réseaux sociaux

Il était prévisible que l’étude concluant que le recours à l’hydroxychloroquine avait contribué à 17 000 morts au début de la pandémie, ne s’attirerait pas les louanges des défenseurs de ce médicament. Mais ceux-ci ont profité de l’opportunité pour relancer les fausses rumeurs autour de la pandémie et des vaccins, et pour injurier et menacer chercheurs et médecins.

Une lettre ouverte co-signée par des regroupements de ces chercheurs et médecins, et parue le 29 janvier dans le magazine L’Express, est une retombée indirecte de cette étude, ou plus exactement des attaques personnelles qu’elle a entraînées. Nous « sommes très préoccupés par les dérives constatées sur les réseaux sociaux et dans certains médias à grande audience, qui partagent et diffusent de fausses informations scientifiques et médicales. Nous tenons à réaffirmer notre soutien indéfectible envers les professionnels de la santé qui s’efforcent de fournir au grand public des informations claires et loyales, fondées sur les données scientifiques. » 

L’étude en question, signée par des chercheurs de l’Université de Lyon, en France, et de l’Université Laval, au Québec, était parue le 2 janvier dans la revue Biomedicine & Pharmacotherapy. Ses auteurs insistaient de plus sur le fait que leur chiffre pourrait être une sous-estimation: ils se sont penchés sur les données des États-Unis et de cinq pays d’Europe (dont la France et la Belgique), mais l’hydroxychloroquine a été largement utilisée dans d’autres pays, notamment l’Inde et le Brésil, pour lesquels on ne dispose pas de données. 

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Pour arriver à ce total de 16 990 décès, dont 12 739 aux États-Unis, les six chercheurs se sont appuyés sur les données de 44 études sur les décès au début de la pandémie (jusqu’en juillet 2020) et sur les données nationales en santé de ces six pays, afin d’identifier dans un premier temps ce qu’on appelle la surmortalité, c’est-à-dire le nombre de décès qui dépassent la moyenne des années précédentes. Et dans un deuxième temps, le nombre de décès qu’on peut attribuer à la toxicité de ce médicament chez certains patients: puisqu’il s’agit d’une toxicité qu’on connaît bien, depuis des décennies qu’on l’utilise contre la malaria. Enfin, ce total de décès ne couvre que la première vague de la COVID. 

Les limites de leur estimation auraient donc pu donner lieu à un débat scientifique sur la méthode utilisée. Mais depuis un mois, c’est plutôt à une accélération des dérapages qu’on a assisté. Des émissions de radio et de télé française en ont profité pour relancer les fausses rumeurs sur un lien entre les vaccins anti-COVID et des cancers ou des maladies cardiaques, en contradiction avec les statistiques des deux dernières années. Et les insultes et attaques personnelles sur les réseaux sociaux ont poussé, le 24 janvier, la Société française de pharmacologie à inviter les autorités à prendre des mesures pour mettre fin au « harcèlement » dont ont fait l’objet les auteurs de l’étude du 2 janvier. 

Un des catalyseurs de ces attaques: un rappeur français qui, fort de ses 6 millions d’abonnés sur X, a d’abord relayé la vidéo d’un homme faisant faussement un lien entre le vaccin et la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Et qui a traité le 18 janvier « d’assassin » un médecin cancérologue, Jerôme Barrière, entraînant une vague d’attaques et de menaces contre lui. Le rappeur a ensuite reçu, le 21 janvier, les remerciements du microbiologiste Didier Raoult, celui à qui on doit la légende de l’efficacité de l’hydroxychloroquine, et qui est justement dans une tournée de promotion de son dernier livre. 

Les signataires de la lettre du 29 janvier —dont les associations représentent des dizaines de milliers de médecins et chercheurs— suggèrent que certains de ces désinformateurs savent très bien que leurs affirmations ne reposent sur rien, mais qu’ils profitent de l’émotion du moment: « des opportunistes, qui ont le plus souvent quelque chose à vendre ».

« Nous déplorons que certains individus et médias profitent de la crédulité d’une partie de la population, contribuant ainsi à mettre leur santé en danger. » Et de concluren qu’il « est temps de choisir le camp de la santé contre toute forme d’obscurantisme ».

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