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Comme sans doute beaucoup d'entre vous, j'ai commencé l'année 2011 en prenant un verre de champagne… ou peut-être deux, je n'ai pas compté.

Alors que je savourais ce que l'on appelle le « Dieu des vins » ou encore, le « vin des dieux », mes pensées se sont tournées vers le scientifique Gérard Liger-Belair. Professeur à l'Université de Reims, ce dernier consacre ses recherches à l'étude des bulles de champagne. Après avoir lu ses publications aux titres évocateurs comme Nucléation, ascension et éclatement d'une bulle de champagne (Annales de physique 2006 31 1-133), on comprend davantage pourquoi boire un verre de champagne est un plaisir non seulement gustatif mais aussi visuel.

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Les bulles de champagne sont générées par du gaz carbonique (CO2) dissous dans le liquide. Le CO2 est produit naturellement à partir d'une deuxième fermentation déclenchée par l'ajout au vin de sucre et de levure. Dans la méthode champenoise, cet ajout se fait dans chaque bouteille individuellement alors que dans les autres vins mousseux, cette seconde fermentation se fait à grande échelle dans des cuves, ce qui explique la différence de qualité.

Lorsque la bouteille est bouchée, le CO2 est sous pression et demeure donc dissous. Lorsque l’on ouvre la bouteille, la pression est relâchée et le gaz s'échappe sous forme de bulles. Celles-ci se forment à partir de « pépinières de bulles » dispersées sur les parois du verre dans lequel est versée la boisson. Ces sites de production (nucléation) ne sont pas associés à des imperfections à la surface du verre, comme on le croyait auparavant. Les travaux du professeur Liger-Belair suggèrent plutôt que des impuretés s’étant fixées au verre sont à l'origine de ces pépinières de bulles. Ces impuretés pourraient provenir, par exemple, des particules de cellulose dans l'air ou du chiffon utilisé pour essuyer les verres. Pendant la formation d'une bulle, le CO2 dissous migre du liquide vers d'infiniment petites poches de gaz. Au fur à mesure que le phénomène se produit, la taille de la bulle augmente, ainsi que sa flottabilité. Finalement, la bulle se détache de la paroi, ouvrant la voie à la formation d'une autre bulle.

La cinétique de la formation de bulles dépend des quantités de CO2 dissoutes. Dans le cas du champagne, où la concentration de CO2 est trois fois celle de la bière, la fréquence de production est de l'ordre de 30 bulles par seconde par site. Dans la bière, même dans le cas des pépinières à bulles les plus actives, cette fréquence ne dépasse pas 10 bulles par seconde.

On peut remarquer que, au fur et à mesure que la bulle s'approche de la surface, sa taille augmente. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ceci n'est pas causé par une diminution de la pression (celle-ci varie peu pendant le trajet de la bulle), mais encore une fois par la migration de molécules de CO2 dissoutes dans le liquide vers la bulle. En chemin, la bulle emmagasine également des molécules de saveur et d'arôme dissoutes dans le champagne. Quand la bulle arrive à la surface, elle explose et les molécules projetées vont stimuler les sens de l'amateur.

Pour les connaisseurs, la qualité d'un champagne dépend de la taille de ses bulles. Les meilleurs champagnes sont ceux qui produisent les bulles les plus fines. Il y a plusieurs explications scientifiques derrière ce phénomène. Tout d'abord, plus les bulles sont petites, plus elles sont nombreuses et plus elles permettent aux molécules sensorielles de se libérer. Un verre de champagne peut potentiellement libérer plus de 10 millions de bulles ! Or, les travaux de chercheurs des Instituts nationaux de la santé des Etats-Unis suggèrent qu'un autre effet serait peut-être plus important. Dans un article publié dans Science, une équipe dirigée par Charles Zuker a démontré que les bulles de CO2 sont capables de stimuler des récepteurs sensibles à la taille et à la pression des bulles. Ces récepteurs transmettent au cerveau des signaux somatosensoriels qui suscitent le même genre de sensations que celles associées, entre autres, au sens du toucher. La recherche suggère que les bulles plus petites sont plus faciles à capter par les récepteurs somatosensoriels et, par conséquent, font en sorte que le champagne est plus apprécié des amateurs.

Malheureusement, jusqu'à présent, on n'est pas encore arrivé à contrôler la taille des bulles. D'après le professeur Liger-Belair, on pourrait éventuellement y arriver en étudiant la nature des composés chimiques (protéines, minéraux, glucides) dissous dans le liquide. L'ironie dans tout cela est que Liger-Belair admet ne pas être particulièrement friand du goût du champagne. Il est seulement passionné par l'étude de ses bulles !

- Voir le site de l' Organisation pour la science et la société de l'Université McGill

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