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Il y a le 1-butoxy-1-étoxyéthane, l’acide malique et l’acétate de pentyl. Pour faire bonne mesure, mentionnons également le 2-hexen-1-ol, le 3-pentanone et l’hexanoate d’éthyle. Ces noms représentent quelque 500 composés chimiques NATURELLEMENT présents dans la pomme et qui sont responsables de la saveur.

Il y a fort à parier que certains lecteurs seront choqués d’apprendre qu’une pomme contient NATURELLEMENT de l’acétone, présente dans le dissolvant à vernis à ongles, l’éthanol des boissons alcoolisées ou du formaldéhyde et dans le liquide de préservation utilisé en thanatopraxie (embaumement). Le même formaldéhyde qui a donné lieu à des manchettes alarmistes, lorsque sa présence a été révélée dans le shampoing pour bébé. Dans les deux cas, il s’agit évidemment de quantités infinitésimales. Cela souligne néanmoins la complexité des saveurs naturelles et le défi que représente la création de saveurs artificielles.

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Au départ, l’industrie fait appel à la chimie analytique qui, par le biais de techniques comme la chromatographie en phase gazeuse ou la spectrométrie de masse, identifie les molécules qui entrent en jeu dans la saveur de la pomme. Mais comme il est impossible, de manière pratique et économique, de recréer la saveur en faisant appel à toutes les molécules, « l’aromaticien » est alors appelé en renfort. Celui-ci est en mesure d’identifier les quelques molécules, une douzaine tout au plus, qui jouent un rôle primordial dans la création de la saveur. Ces molécules seront ensuite utilisées, mais cette fois préparées par le chimiste de synthèse, qui les dosera afin qu’elles produisent une saveur qui se rapprochera le plus de la version naturelle. Bien que l’aromaticien fasse appel aux mêmes composés chimiques présents naturellement dans la pomme, la complexité de la saveur artificielle demeure incomparable à celle de la saveur naturelle. Il est impossible de recréer avec 12 molécules ce que la nature produit avec plus de 500.

Dans le cas où l’aromaticien n’est pas complètement satisfait du résultat, il peut reprendre le processus en utilisant une molécule non contenue naturellement dans la pomme. Un vaste choix s’offre alors à lui; au-delà de 6 000 composés ayant été identifiés comme associés à la saveur d’aliments. Il peut aussi choisir des molécules totalement synthétiques. Notamment, le 2-méthyle de buténylethanoate qui n’existe pas dans la nature, mais qui peut cependant être utilisé pour donner un gout sucré.

Il arrive souvent que l’on trouve sur le marché un produit portant la mention « saveur naturelle et artificielle ». Prenons le cas d’un nouveau yogourt aux pommes. Le fabricant a pu y ajouter du jus de pomme pour la saveur, ce qui l’autorise à indiquer saveur naturelle de pomme. Comme le public a l’habitude que lui soient offerts des produits présentant des saveurs « robustes », l’industrie décide parfois de rehausser cette dernière par l'ajout d'acide malique par exemple. Bien que cette molécule soit naturellement présente dans le fruit, le fait qu'elle a été préparée en laboratoire oblige la mention saveur artificielle de pomme.

Il est intéressant de noter qu’une théorie veut que la consistance des aliments que nous consommons, du fait que ces derniers soient largement transformés, soit de plus en plus « molle ». En conséquence, notre capacité de mastiquer se détériore, laquelle est essentielle à l’extraction de la saveur. Voilà pourquoi les fabricants rehaussent parfois certains aliments à l’aide de saveurs artificielles.

Au Canada, les étiquettes d’aliments présentent généralement le terme saveur, alors que la France parle plutôt d’arôme. À mon avis, ce terme reflète davantage le fait que la saveur d’un aliment est associée à l’odorat plutôt qu’au goût. Les papilles gustatives ne reconnaissent que cinq saveurs primaires : sucré, salé, amer (p. ex. : quinine), acide (p. ex. : citron) et umami*. L’odorat permet quant à lui de reconnaitre des centaines, voire des milliers d’arômes. Ainsi, le nez est essentiel à l’appréciation d’une saveur. Voilà pourquoi les gens enrhumés ne parviennent plus à distinguer les saveurs.

Je comprends que l’on puisse utiliser les termes saveur et arôme lorsque l’on fait référence au goût. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de glace ou de sorbet, je me demande pourquoi les Français utilisent parfum. Est-ce parce qu’ils se contentent, pour garder la ligne, de sentir leur glace à la vanille ou leur sorbet à la framboise?

Il est bien sûr normal que le public se questionne quant à l’aspect sécuritaire de l’ajout de saveur artificielle. En fait, le problème n’est pas tant à l’égard des molécules que l’on y trouve – la molécule d'acide malique, qu’elle soit issue de la pomme ou concoctée par un chimiste en blouse blanche demeure la même – mais plutôt à l’égard de la piètre valeur nutritive des aliments auxquels ces saveurs sont ajoutées. À vrai dire, il sera toujours plus intéressant, du point de vue de la santé, et de la saveur, de boire un vrai jus de fruits qu’une boisson à saveur de pomme.

--- **L'umami est associé au glutamate. Le glutamate monosodique (GMS), utilisé comme rehausseur de gout par l'industrie alimentaire est aussi présent de manière naturelle dans de nombreux aliments comme les tomates et les fromages). L'umami a été identifiée comme une saveur gustative à part entière au cours des années 1980.

_______________________________________________________________________________________________________ LES MANCHETTES SCIENTIFIQUES d’Ariel Fenster L’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill présente des capsules sur des sujets défrayant l’actualité scientifique. Plus de renseignements sur ces sujets, ou d’autres d’intérêt général, sont disponibles en communiquant avec Ariel Fenster.

Professeur Ariel Fenster Organisation pour la science et la société de l’Université McGill 514 398-2618

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