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Entre nos deux oreilles, deux systèmes se font la lutte: une pensée rapide et une pensée lente. Pourquoi échouons-nous (souvent) à communiquer la science? Pour ça.

C’est ce que m’inspirent les premiers chapitres d’un livre paru l’an dernier, et que je lis en ce moment à petites doses. Il y aurait là-dedans suffisamment de jus pour susciter une conversation salutaire sur l’avenir de la communication... et de la communication scientifique en particulier.

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Mais tout d’abord, une mise en perspective. Nous aimons nous vanter que nous sommes des animaux rationnels. Nous sommes fiers de notre capacité à départager le vrai du faux, merci à notre intelligence qui nous permet de réfléchir avant de juger. Vrai? Non, faux.

Si on se fie à ce que psychologie et neurologie décodent ces dernières années de notre matière grise, nous sommes non seulement dominés par nos émotions, mais surtout, notre cerveau ne se «branche» sur la réflexion rationnelle que lorsqu’il y est contraint et forcé.

C’est ça que veulent dire les expressions «pensées rapides» et «pensées lentes» qui forment la paire du livre du psychologue américain Dan Kahneman, Thinking Fast and Slow . La pensée rapide (ou le Système 1, pour les intimes) est constamment à l’oeuvre et nous conduit aux jugements les plus divers, à toute heure du jour et dans toutes les circonstances.

Par exemple. À la lecture de cette description, diriez-vous que Steve est bibliothécaire ou fermier ?

Steve est timide et introverti. Toujours prêt à donner un coup de main mais s’intéresse peu aux gens et au monde réel. Il est une personne qui a besoin d’ordre et de structure, et il a une passion pour le détail.

La majorité des gens répondront spontanément bibliothécaire —pensée rapide. Mais une réflexion ou une recherche —pensée lente— révéleraient que Steve a beaucoup plus de chances d’être fermier: en Amérique du Nord, il y a 15 à 20 fois plus d’hommes fermiers que d’hommes bibliothécaires.

Ne voyez pas dans ce jugement erroné un banal préjugé contre les agriculteurs: la formulation de la description est faite sur mesure pour vous manipuler —et ça marche, parce que c’est ainsi que fonctionne notre cerveau. C’est comme s’il aimait se faire manipuler. Notre cerveau choisit constamment le chemin le plus facile pour résoudre un problème. La loi du moindre effort, en quelque sorte.

Or, considérez ce que ça veut dire quand on songe aux difficultés à communiquer la science.

  • Un grand nombre de gens ne veulent tout simplement pas entendre parler de science, parce qu’elle leur semble compliquée. Et une des raisons pour lesquelles elle semble si compliquée, c'est parce que les réponses qu’offre la science depuis 5 siècles sont souvent contre-intuitives. Zéro pour le cerveau rapide.
  • Vous croyez que X (insérez ici le nom d’un enjeu scientifique) est dangereux pour la santé? Vous attrapez au vol tout texte qui confirme votre conviction et balayez tous les autres? Cerveau rapide. Vous analysez les faits qui vont à l’encontre de vos convictions? Cerveau lent.

Évidemment, personne n’aime admettre qu’il juge trop vite. C'est dur pour l’ego. Je serais donc curieux de savoir ce que vous pensez de ces arguments. Considérez cette citation de Kahneman (p. 14) pour lancer votre réflexion :

Notre confiance excessive en ce que nous croyons savoir. Notre apparente incapacité à accepter la pleine mesure de notre ignorance et de l’incertitude du monde dans lequel nous vivons. Nous sommes prompts à surestimer la quantité de ce que nous comprenons.

Est-ce que vous vous reconnaissez? Etes-vous sûr de pouvoir reconnaître vos propres préjugés?

Lisez la 2e partie de cette réflexion.

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