Il y a quelques jours, j'ai mangé avec un collègue et une chercheuse externe venue nous donner un coup de main. Le premier est post-doctorant depuis quelques années. La deuxième profite d'un poste dans un organisme de recherche public renommé.

La conversation a vite tourné vers le travail de recherche et surtout ses inconvénients. Notons bien que, à cette table, ne se trouvaient que des personnes qui font de la recherche par passion ! Mais le fait est que la recherche aujourd'hui comprend une part administrative et financière qui n'est plus négligeable. Un chercheur, aujourd'hui, doit trouver ses propres financements pour effectuer ses recherches. L'organisme qui l'emploie ne s'en occupe plus. Cela passe par des dossiers à monter pour postuler à des financements nationaux, européens ou internationaux. Pour chaque projet, le chercheur monte bien sûr plusieurs dossiers pour multiplier ses chances d'obtenir les moyens de le réaliser. Bien sûr aussi, un chercheur travaille sur plusieurs projets. Une part importante du temps de travail du chercheur est donc passée à écrire des dossiers fort longs et fort complexes. Si un seul projet est accepté et reçoit un financement, le travail peut commencer. Tout en prévoyant du temps pour remplir les dossiers de l'année prochaine... Si aucun dossier n'est accepté, le chercheur déprime un peu puis se remet à remplir encore plus de dossiers. Mais que se passe-t-il si plusieurs projets sont acceptés ? Eh bien, le joyeux chercheur ne reste pas joyeux longtemps. En effet, pour qu'un projet soit accepté, le chercheur doit promettre d'y consacrer une part importante de son travail, calculée administrativement en pourcentage. S'il a la chance d'obtenir la validation de plusieurs projets, il doit bien souvent revoir à la baisse son implication dans chacun des projets et/ou les objectifs fixés. Surtout si le financement alloué ne représente qu'une partie de celui qui avait été demandé, pour des objectifs supposément identiques. Ou bien travailler 165 % de son temps de travail ! Avec ces financements, le responsable du projet doit payer son salaire et ceux de ses collaborateurs, acheter du matériel, communiquer sur les recherches effectuées et gérer son laboratoire. L'organisme qui l'emploie ne lui fournit donc plus que le droit d'utiliser les locaux dans lesquels il travaille. Enfin pas tout-à-fait. L'employeur donne aussi le droit d'apposer son logo sur les demandes de financement. Et sans ce logo, aucun financement ne sera obtenu. Le chercheur paye donc son propre salaire mais ne peut se passer de son employeur-immobilier...

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Oh et encore une chose. À table, le calcul a été fait : un chercheur moyen est doté d'un doctorat (bac + 8) mais travaille tant, qu'il est payé moins qu'un SMIC horaire.

Cela dit, vous entendrez rarement les chercheurs se plaindre. Ils pensent souvent ne pas pouvoir le faire car ils « travaillent sur ce qui [les] passionnent » comme l'annonce notre invitée toute souriante. « Enfin, quand on a le temps... », ajoute-t-elle. Le sourire ne sera pas resté longtemps...

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