the_usual_suspects_by_eric.jpg
À lire le titre, vous avez replacé votre tasse sur le comptoir ou écarquillé les yeux à vous en déciller les paupières. Café et cancer ne vont pas de pair. D’habitude, lait ou sucre valse avec le petit noir. Pour le crabe, on repassera. Sauf que le Council for Education and Research on Toxics (CERT), une organisation californienne sans but lucratif, en a décidé autrement. Depuis 2010, elle poursuit Starbucks et d’autres grandes chaînes de café pour les forcer à étiqueter leurs lattes et autres dérivés caféinés d’un joli « ce produit contient un cancérigène ». Coupable : l’acrylamide. Vraiment?

Mon café pour un cancer. Woh, attends une minute! Le CERT n’y va pas de main morte et invoque la commode California’s Proposition 65 pour obtenir des tribunaux une ordonnance obligeant les géants du café-minute à indiquer à leurs clients de façon claire et raisonnable (sic) la présence d’acrylamide. Dans la Proposition 65, l’acrylamide figure parmi 800 autres congénères chimiques dans le royaume (habituellement très fermé) des cancérigènes.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Raisonnable? Petit rappel de chimie alimentaire : l’acrylamide est un sous-produit issu de la torréfaction du café et peut aussi naître de réactions chimiques où les glucides sont cuits à haute température (plus de 120 °C). Pain grillé, céréales, biscuits, craquelins en contiennent naturellement. Et que dire des frites et des croustilles qui présentent les plus hauts taux d’acrylamide?

Selon le Centre international de recherche sur le cancer, l’acrylamide est classé dans le groupe 2A, celui des « probablement cancérigène pour l’homme ». Tout tient dans le « probablement », une grande différence avec la réglementation californienne.

Où sont les études? À ce jour, il n’y a toujours aucune preuve que l’acrylamide contenu dans les aliments présente des risques de cancer chez l’humain. Alors, oui, chez les rongeurs, une exposition prolongée à de fortes doses d’acrylamide pur provoque des cancers. C’est prouvé, mais pas extrapolable aux humains. On s’en doute. Les tests de toxicité chez ces animaux impliquent de les gaver de fortes doses d’acrylamide toute leur vie. Ce qui ne ressemble pas précisément à la vie d’un buveur de café.

En 2008, une étude épidémiologique néerlandaise, menée auprès de femmes postménopausées et suivies pendant 11 ans, n’a trouvé aucun lien entre la consommation d’acrylamide et l’apparition de cancers.

Si vous avez encore peur de tremper vos lèvres dans le café, rappelez-vous qu’il faudrait boire plus de 100 tasses par jour pour atteindre le niveau d’exposition causant le cancer. Vous préférez réfléchir en termes de frites, ingurgitez 82 kg de pommes de terre par jour et vous êtes sûr de vous approcher de la dose dangereuse…

Loi fourre-tout et avocats profiteurs Selon la Proposition 65, tout produit chimique qui, d’après des études sur les animaux, cause le cancer et/ou a des effets nocifs sur la reproduction et, ce à n’importe quelle dose, doit être listée comme cancérigène pour l’homme. Les fabricants, eux, doivent apposer une étiquette pour exposer à leurs clients les risques encourus.

Insensé, dites-vous? Non, une manne pour les professionnels du barreau qui souhaitent défendre les pseudo-intérêts de santé publique de leurs clients et s’enrichir par la même occasion.

Entre 2000 et 2010, des entreprises ont versé plus de 142 millions de dollars pour régler les poursuites, dont 90 millions en frais d’avocats. Un chiffre impressionnant qui ne tient pas compte des montants des amendes payées par les compagnies qui sont allées en procès.

Dans un État américain où alarmisme et business vont de pair, le CERT est resté bien timide. Quitte à attaquer le café, l’organisation aurait pu avoir la décence de lancer l’offensive sur les « french fries »! Tiens, et si on les étiquetait cancérigènes à l’unité… Après mon espresso, promis je leur en touche un mot.

Je donne