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La pollution ne provoque pas seulement des maladies respiratoires. Elle affaiblit le système cardiaque à la manière de la rouille qui ronge le métal. Résultat, dans 80 % des décès liés à la pollution atmosphérique – sept millions de morts annuellement selon l’OMS – c’est le cœur qui flanche. « Il y a quelques années à peine, j’avais un peu l’impression de prêcher dans le désert quand j’abordais les liens entre la qualité de l’environnement et la santé humaine », me disait récemment le cardiologue François Reeves à quelques jours de son départ pour Paris à titre de délégué québécois à la Conférence sur les changements climatiques. « Même si on me recevait avec bienveillance, je sentais que mes interlocuteurs doutaient de mes prémisses. Les choses ont beaucoup changé depuis. »

En effet, l’OMS a convoqué le premier sommet sur le climat et la santé en août 2014 et des revues scientifiques comme The Lancet ont publié des dossiers sur les répercussions des changements climatiques sur la santé humaine. Considérés comme la « principale urgence du 21e siècle », ceux-ci pourraient perturber les infrastructures et les ressources en eau et denrées, causant épidémies et crises alimentaires.

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En publiant Planète cœur en 2011 (coédité par les maisons MultiMondes et du CHU Sainte-Justine), au terme de cinq ans de travail, le Dr Reeves a été parmi les premiers à parler de « cardiologie environnementale ». Depuis, il a donné plus de 250 présentations sur le sujet. La version anglaise de cet ouvrage (Planet Heart, Greystone) était un des trois finalistes au prix Lane Anderson 2015, récompensant le meilleur livre de vulgarisation scientifique au Canada.

La thèse du Dr Reeves repose sur de multiples études épidémiologiques et cardiologiques tenant compte de la qualité de l’air. Elles convergent vers un constat : plus un environnement est pollué, plus les cas de maladies cardiovasculaires augmentent dans la population. Suivant la courbe de la pollution atmosphérique, les maladies cardiovasculaires ont explosé au milieu du 20e siècle en Amérique du Nord. C’est la qualité de l’air qui fait que les Russes ont un taux de mortalité cardiaque 10 fois supérieur à celui des Français. En Chine, où on notait encore récemment peu de mortalité cardiaque, on a vu les taux de mortalité cardiaque se multiplier au rythme de son industrialisation polluante. Pourquoi y a-t-il plus de mortalité cardiovasculaire dans les centres-villes? Pourquoi le fait de vivre en milieu vert réduit-il de moitié la différence de mortalité cardiaque entre les pauvres et les riches? Voilà le genre de questions auxquelles le cardiologue répond.

À Paris, François Reeves représentera le ministre de l’Environnement du Québec, David Heurtel, puisqu’il est membre du comité chargé de le conseiller dans le cadre du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques. « Si on veut que la situation mondiale s’améliore, la rencontre de Paris est déterminante. Il faut que les pays visent une réduction des gaz à effet de serre de 80 % d’ici 2050. »

À son avis, le Québec est parmi les leaders mondiaux en ce domaine depuis que le gouvernement du Québec a instauré un marché du carbone qui est pris en exemple ailleurs. Mais François Reeves est aussi un adepte des changements à petite échelle. Le cardiologue a convaincu, en 2007, ses confrères de la Cité de la santé, à Laval, de consacrer une journée d’automne à la plantation d’arbres dans les terrains vagues autour des bâtiments susceptibles de devenir des îlots de chaleur. D’abord modeste, la Journée de l’arbre de la santé a pris de l’ampleur, non seulement dans la région montréalaise, mais jusqu’en Estrie et en Abitibi. En 2015, ce sont 15 centres de santé et de services sociaux du Québec qui ont participé à l’activité. Cette journée nationale permet de soutenir le concept d’hôpitaux verts où l’on réduit les émissions de carbone, recycle et récupère.

Mathieu-Robert Sauvé

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