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J’ai débarqué à Gaspé en juin 1973. Venant de Québec, j’ai trouvé que c’était loin, très loin! Mais, comme c’était beau! Instantanément, je suis tombé en amour avec le lieu, avec les gens si accueillants.

C’était la première fois que je mettais les pieds dans ce patelin, mais je me suis immédiatement senti chez-moi, comme si j’y avais toujours habité. J’ai commencé à travailler à l’hôpital comme technicien en radiologie et ça s’est très bien passé. Mais la mer était là, tout près, de même que les bateaux de pêche, les voiliers et autres embarcations qui m’interpelaient. Au cours de l’hiver 1974, j’ai appris que Transport Canada offrait des cours pour devenir Capitaine de petite embarcation, un brevet qui permettait de piloter localement des bateaux d’une douzaine de mètres et d’amener des gens en excursions touristiques. J’ai décidé de suivre le cours et l’ai passé avec succès. L’été suivant, un entrepreneur m’a offert de piloter son bateau, L’Éperlan, pour amener des touristes à la pêche à la morue dans la baie de Gaspé. C’est ainsi que les fins de semaine, lorsque je n’étais pas de service à l’hôpital, je naviguais dans les eaux côtières de la Gaspésie.

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Un séjour en mer déterminant

Mais il faut croire que j’avais besoin de plus grosses vagues! Au printemps de 1975, je me suis inscrit à l’Institut maritime du Québec, à Rimouski, pour devenir officier au long cours. Après avoir été accepté et m’être vu créditer la première année à cause de mes antécédents académiques et maritimes, j’ai quitté l’hôpital au mois d’août et me suis embarqué à bord du navire-école de l’Institut, le MV Québec, un vieux cargo sympathique à bord duquel j’ai passé quatre mois et demi. Situation particulière, tous les officiers à bord du navire ne parlaient que l’anglais, alors que les élèves-officiers, eux, ne s’exprimaient qu’en français… sauf moi et un Franco-Ontarien qui étions bilingues. C’est ainsi que Donald et moi avons servi de courroies de transmission entre les officiers, le maître d’équipage, un Terre-neuvien au langage quasi-incompréhensible, et les élèves-officiers. Lors d’une discussion avec le capitaine, un Britannique dans la cinquantaine, ce dernier m’a demandé pourquoi j’étais plus vieux que les autres —j’avais 23 ans alors que mes autres élèves en avaient 18 ou 19. Je lui ai expliqué que j’avais exercé un autre métier, mais que je ressentais l’appel de la mer. À ma grande surprise, après m’avoir dit à quel point la vie de marin au long cours pouvait être difficile, il m’a dit «Si tu aimes la mer, travaille à terre et achète-toi un bateau».

L'influence du Commandant Cousteau

Un peu décontenancé, j’ai réfléchi à plusieurs reprises à ce que le capitaine m’avait dit. Que devais-je faire? J’aimais vraiment l’environnement marin et la vie sur un bateau. Poursuivre mon cours d’officier? Une journée, alors que j’étais assis sur une petite plate-forme, en haut d’un mat de charge du navire, regardant les dauphins qui jouaient devant le navire, j’ai pensé à Jacques-Yves Cousteau, le Commandant Cousteau dont les livres et les films sur océans et les animaux marins inondaient notre quotidien de l’époque. Océanographe! Travailler sur un navire, non pas pour transporter des marchandises ou des passagers, mais pour étudier le milieu marin. C’est alors que je pris ma décision: j’allais devenir océanographe. J’allais à la fois naviguer et combler mon besoin d’apprendre, d’étudier, de contribuer à la préservation de l’environnement marin.

Retour aux études

À la fin de mon stage, quelques jours avant Noël, je suis retourné à Gaspé et suis allé au cégep pour m’informer ce qu’il fallait faire pour devenir océanographe. Le conseiller pédagogique m’a appris qu’il fallait compléter un baccalauréat en sciences puis des études graduées (maîtrise, doctorat) en océanographie. Il m’a également suggéré de me diriger vers les sciences physiques plutôt que biologiques, car les perspectives d’emploi étaient meilleures. C’est ainsi que je suis allé au Cegep de la Gaspésie pour compléter mon DEC en sciences, puis me suis inscrit au baccalauréat en génie physique à l’université Laval de Québec. Je me suis dit qu’avec un diplôme d’ingénieur, je pourrais travailler même si je décidais de ne pas faire d’études graduées.

Dans mon prochain billet, je vais raconter dans quelles circonstances j’ai participé à des premières études océanographiques.

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