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Le chercheur scientifique, à l’inverse des psychologues et des psychiatres-cliniciens (voir mon précédent billet de blogue) qui, au cours de leur carrière, ont étudié toutes les formes de maladies mentales pour mieux les reconnaître en clinique, est une personne qui a consacré la totalité de ses études universitaires à étudier essentiellement le domaine d’étude pour lequel il se spécialise.

Dans mon cas, après avoir effectué un baccalauréat et une maîtrise en psychologie (option science), j’ai décidé de faire un doctorat en sciences neurologiques dans le but de mieux comprendre le cerveau humain. Je n’ai jamais pensé être une très bonne clinicienne et déjà très tôt dans mes études, ce sont les sciences du cerveau qui m’ont fascinée.

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Comment cette superbe machine pouvait-elle nous faire apprendre des calculs mathématiques fabuleux, mais nous rendre déprimés et parfois suicidaires tout à la fois ? Pour parfaire mes connaissances sur le cerveau, et puisque la psychologie étudie plus en profondeur l’« âme » que le « cerveau », j’ai donc décidé d’effectuer un doctorat en sciences neurologiques.

J’ai eu pendant quatre ans le cerveau comme allié de mes nuits d’étude et de mes journées d’examens. J’ai beaucoup appris sur ce fabuleux instrument de la vie. J’y suis devenue habituée, comme une vieille alliée. Pourtant, je n’avais pas encore trouvé ma passion. J’aimais le cerveau, soit. Mais on ne peut pas faire une carrière scientifique sur quelque chose d’aussi général que « le cerveau ». Il fallait trouver ce qui, dans le cerveau, allait me passionner. Ce sont des rencontres avec des gens autour de moi qui m’ont permis de trouver ma passion. Elle ne m’a jamais quittée depuis.

Faire un doctorat en sciences implique deux choses. D’une part, on doit choisir le programme universitaire dans lequel on veut s’inscrire (sciences neurologiques dans mon cas) et d’autre part, on doit choisir LE sujet de recherche sur lequel on consacrera toute sa vie.

Comme je l’ai dit ci-haut, le cerveau est un domaine d’études très large, car on peut choisir d’étudier les maladies du cerveau telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, ou la paralysie cérébrale, mais on peut aussi choisir de devenir expert dans le domaine de la génétique et le cerveau, et ainsi tenter de voir comment certains gènes peuvent modifier son fonctionnement.

Dans mon cas, je n’avais aucune idée de ce que je pourrais bien étudier dans le cerveau. Je commençais à paniquer. Qu’allais-je devenir si je n’avais pas encore trouvé ma passion ?

À quoi servent les cours à part nous faire apprendre ?

Dans le cadre de mes cours de doctorat, un neuroendocrinologue (médecin spécialiste des hormones) est venu donner un cours dans lequel il disait que beaucoup de dérèglements hormonaux peuvent donner lieu à des changements d’humeur et de comportement — les filles, pensez à nos fameux syndromes prémenstruels et à toutes les sautes d’humeur qui viennent avec !

Puisque le comportement humain résulte nécessairement du cerveau (c’est lui qui contrôle l’ensemble de nos comportements), on peut donc en conclure que des changements dans les niveaux de certaines hormones peuvent affecter le cerveau et, par le fait même, le comportement. Je fus littéralement fascinée par ce cours et à partir de ce jour, devins accro aux hormones. Bon, parfait, j’aimais les hormones... Déjà un pas de fait. Mais quelle hormone choisir pour développer mon expertise de recherche ?

Je parlai donc de mon nouvel intérêt à un collègue de mon directeur de recherche, quand il m'apprit qu’une étude était en cours à l’Institut Universitaire Douglas de Montréal, qui mesurait les niveaux d’hormones de stress chez les personnes âgées.

Cette étude était basée sur de très récentes données chez l’animal démontrant que les hormones de stress ont la capacité d’accéder au cerveau et d’y affecter la mémoire et l’apprentissage. On savait, à partir des études animales, que près de 30 % des animaux âgés montrent une augmentation des hormones de stress, associées à une perte de la mémoire. Le but de cette étude était de voir si de telles données existaient également chez l’humain âgé.

Les chercheurs de l’Institut Douglas étaient à la recherche d'une personne spécialisée dans l’étude de la mémoire — ce que j’étais grâce à ma maîtrise en neuropsychologie, la science de la mémoire et de l’apprentissage — pour tenter de mieux comprendre l’association entre les hormones de stress et les troubles de la mémoire chez la personne âgée.

Je sautai sur l’occasion et rencontrai Dr. Michael Meaney de l’Institut Douglas de Montréal. Après seulement une heure de conversation avec Dr. Meaney, j’avais trouvé ma passion ! Je me rappelle qu'à la sortie du bureau de ce chercheur, je flottais littéralement ! J’avais 1000 idées en tête pour faire des études sur ce sujet, mon cœur battait la chamade, j’étais abasourdie par la passion qui m’habitait. J’avais enfin trouvé le filon. Le stress et ses effets sur le cerveau !

Pendant les quatre années que dura mon doctorat, je fis donc des expériences de mémoire auprès de personnes âgées dont les niveaux d’hormones de stress étaient mesurés chaque année depuis quatre ans. Puisque le sujet de ma thèse de doctorat était « le stress et la mémoire de la personne âgée », j’ai dû littéralement lire toute la documentation scientifique sur le sujet et je développai donc très rapidement une expertise dans le domaine.

Au bout de trois ans, je découvris que, tout comme chez l’animal, une augmentation des hormones de stress chez la personne âgée est associée à des troubles de la mémoire ainsi qu'à une réduction du volume de l’hippocampe, une toute petite région du cerveau qui est impliquée dans la mémoire. Je publiai ces résultats dans trois importantes revues scientifiques et ces articles établirent ma réputation nationale et internationale dans le domaine du stress et du cerveau humain.

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