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Les différentes techniques d’imagerie cérébrale dont on dispose depuis quelques décennies maintenant ont permis de voir les changements anatomiques structuraux qui surviennent dans notre cerveau lorsqu’on s’adonne à une activité régulière, comme la musique ou la dance dont il sera question aujourd’hui à travers les récents travaux de Falisha Karpati de l’université McGill, à Montréal. Celle-ci a voulu comparer les cerveaux de danseurs professionnels avec ceux de musiciens professionnels (qui avaient été davantage étudiés) et de gens qui n’étaient ni danseurs ni musiciens. Le titre de ses deux dernières publications scientifiques, « Dance and music share gray matter structural correlates » en 2017 et « Structural Covariance Analysis Reveals Differences Between Dancers and Untrained Controls » en 2018, laissent entrevoir qu’effectivement, passer huit heures par jour à danser ou à jouer de la musique rend votre cerveau différent d’une personne qui ne fait ni l’un ni l’autre…

Mais différent comment ? Le changement a été observé dans certaines régions du cortex cérébral qui ont laissé apparaître un épaississement de cette fine couche de neurones de 2-3 millimètres d’épaisseur. Et sans être directement mentionné dans les articles, on sait de nombreuses autres études qu’un des aspects de la plasticité neuronale responsable de cet épaississement serait le développement de nouveaux dendrites chez ces neurones corticaux fréquemment sollicités.

Comme Karpati le résume dans ce reportage vidéo, il y a deux régions particulières, parmi toutes celles qui peuvent s’activer quand on fait de la danse ou de la musique, dont le volume cortical était sensiblement plus grand chez les danseurs et les musiciens comparé aux sujets contrôles. Il s’agit d’abord des régions corticales du gyrus temporal supérieur droit (voir l’image en haut de ce billet). Cette région est impliquée dans plusieurs fonctions, notamment l’intégration multisensorielle, donc auditive, visuelle, somatosensorielle, etc., ainsi que l’intégration sensorielle et motrice. Des aspects importants, on s’en doute, dans la danse et la musique.

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L’autre région, le cortex préfrontal dorsolatéral gauche, a une relation particulière avec la danse. Elle est en effet active quand lorsqu’on observe des mouvements dans le but de les reproduire (et implique possiblement l’activité des fameux neurones miroirs) ainsi que lorsque l’on fait de l’imagerie mentale motrice (lorsqu’on s’imagine en train de faire un mouvement ou qu’on tente de prédire le mouvement que fera une autre personne).

On peut alors se demander, comme le fait la journaliste du reportage vidéo, si c’est vraiment la pratique de la danse qui a produit l’épaississement cortical observé dans ces régions ou si ces individus ne sont pas simplement devenus danseurs ou danseuses parce qu’ils étaient nés avec ces régions plus développées, ce qui aurait rendu plus facile pour eux l’acquisition de ce niveau élevé d’expertise en danse.

Karpati pense qu’il pourrait s’agir un peu des deux. Son approche à elle n’a pas suivi les mêmes individus avant et après qu’ils soient devenus experts en danse, donc elle ne peut pas trancher entre les deux possibilités. Mais de telles études dites longitudinales ont été faites et ont montré que la pratique soutenue de la danse augmente le volume de ces structures, indique Karpati. D’autres études ont également démontré que des sujets qui n’étaient pas danseurs mais qui avaient ces structures cérébrales plus développées apprenaient effectivement plus rapidement à danser. Mais encore ici, cela ne veut pas dire non plus que ces plus grosses structures avant le début des cours de danse l’étaient nécessairement de naissance. Elles auraient pu provenir, du moins en partie, d’autres apprentissages moteurs faits par la personne et qui sollicitaient ces régions.

Comme le souligne Falisha Karpati vers la fin du vidéo, on a maintenant une bonne idée des transformations que subit le cerveau suite à une pratique répétée de la danse. Et l’on connaît les patterns d’activation du cerveau de personnes qui regardent des gens danser (et même selon que la personne sait danser ou pas la danse regardée). Resterait maintenant à réussir à enregistrer l’activité cérébrale globale de sujets pendant qu’ils sont en train de danser, chose pas facile à imaginer quand on connait la grosseur des appareils de résonnance magnétique ! Mais avec de nouvelles technique comme l’imagerie spectroscopique proche de l’infrarouge (« Near-infrared spectroscopy », en anglais), qui peut être très légère (le sujet porte un simple bandeau) on peut imaginer voir bientôt le cortex des danseurs à l’œuvre en temps réel (le cortex et pas le cerveau entier, car c’est une des limites de cette technique de ne pas pouvoir enregistrer plus en profondeur dans le cerveau).

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