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Après avoir publié dans ce « journal de bord » à chaque mois de 2022 des réflexions inspirées de chacun des chapitres de mon livre en cours de révision, et depuis janvier dernier à chaque semaine certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin, je reprends aujourd’hui une forme plus libre dans ces billets relatant les hauts et les bas de l’écriture d’un gros ouvrage de vulgarisation des sciences cognitives contemporaines. Et parmi les « bas », il y a la difficulté de trouver du temps pour continuer à lire quotidiennement sur les études qui sortent dans ce vaste domaine. Car la science n’arrête jamais et se fout pas mal que vous en ayez plein les bras avec la vérification de centaines de pages visant à rendre accessibles des savoirs pas toujours évidents à expliquer. Mais ces « bas » peuvent être compensés par des « hauts » fort agréables quand vous réussissez à vous dégager une petite demi-heure de lecture pour un entretien avec un chercheur important dans ce domaine, et que vous découvrez que ses propos vont très exactement dans le sens de votre lire !

Il s’agit de l’entrevue qui vient d’être publiée dans le numéro d’octobre 2023 avec Guillaume Dumas, professeur de psychiatrie computationnelle à l’université de Montréal et directeur du laboratoire de Psychiatrie de précision et physiologie sociale, au centre de recherche du CHU Sainte-Justine. Dumas est spécialiste d’une technique qu’on appelle « l’hyperscanning » que j’avais présentée dans ce blogue le 1er mai 2018. Il en brosse une histoire un peu plus étoffée et explique en gros en quoi consiste l’hyperscanning : observer en temps réel ce qui se passe dans les cerveaux de deux personnes en interaction sociale. Et ce que l’on observe souvent, grâce à des techniques comme l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ou mieux, avec l’électroencéphalographie qui a une meilleure résolution temporelle, ce sont des corrélations entre les activités de certaines régions cérébrales de cerveaux différents. Autrement dit, de la synchronisation d’activité nerveuse, c’est-à-dire de bouffées d’activité à la même fréquence et à la même phase. Et ce, non pas entre différentes régions d’un même cerveau comme on l’observe pour la moindre tâche cognitive, mais entre deux cerveaux différents.

Mais mon plaisir ne fut pas tant de constater que cette technique dont j’avais parlé il y a cinq ans dans mon blogue avait le vent dans les voiles dans des centres de recherche de ma propre ville, mais bien de lire ces deux passages :

« C’est l’interaction sociale qui entraîne la synchronisation. Au passage, Francisco Varela, qui fut directeur de recherche au Lena, avait déjà, dans les années 1990, apporté la démonstration que la prise de conscience de la perception d’un stimulus induit une synchronisation de l’activité de différentes aires cérébrales. On quittait la représentation modulaire du cerveau pour aller vers l’observation de l’activité entre différentes régions ; ce que nous faisons avec l’hyperscanning, et l’EEG multicerveaux, c’est étendre cette approche à l’activité de plusieurs cerveaux. S’intéresser à la synchronisation intercérébrale c’est aussi avoir un regard moderne sur le cerveau ; on quitte la vue centrée sur ce seul organe pour s’inscrire dans le courant de la cognition incarnée, et en intégrant que nous sommes tout autant le produit de notre ancrage biologique dans le corps que de nos interactions avec notre environnement, notamment social. »

« Les travaux de Francisco Varela sur la cognition incarnée montraient déjà qu’il faut voir au-delà de la boîte crânienne, inclure le corps, mais aussi l’environnement, y compris social. »

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Ces deux paragraphes auraient pu se retrouver en 4e de couverture de mon livre tellement ils en captent des aspects essentiels en rapportant ces travaux fondateurs de Francisco Varela, un personnage qui agit un peu comme un fil conducteur tout au long de l’ouvrage. Avec le beau hasard signalé il y a deux semaines au niveau de la forme de mon livre, voilà une caution scientifique au niveau du fond qui recharge mes batteries pour le sprint final qui s’amorce !

 

P.s. : et n’oubliez pas le lancement de la session de l’UPop Montréal demain soir, comme je vous en ai parlé ici la semaine dernière. Une autre « affaire » qui n’est pas étrangère au bouquin…

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