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Dans l’un de ses monologues, le comique français Coluche racontait «l'histoire d'un mec, mais un mec normal... Pas un…». Et je vous passe ensuite tous les clichés dont il se moquait allègrement. Mais est-ce que ça existe vraiment un cerveau «normal»?

Chose certaine, tous les cerveaux sont différents. Même ceux des jumeaux identiques à cause de la grande plasticité de nos synapses qui encodent notre expérience vécue, forcément différente pour chaque individu.

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Si Coluche avait été féru de sciences cognitives, il aurait aussi pu dire: c’est l’histoire d’un mec «neurotypique»… Le terme neurotypique est en effet utilisé par l'entourage des personnes autistes pour désigner quelqu’un qui ne présente simplement pas de troubles autistiques. On évite ainsi le piège de la personne «normale» qui renvoie à une norme toujours bien difficile à définir.

C’est justement cette difficulté qu’abordera le colloque pour jeunes chercheur.es Cognitio les 8, 9 et 10 juin prochain avec la thématique «Esprits atypiques: les sciences cognitives de la différence et des potentialités». Ce colloque, organisé une année sur deux par l’Institut des Sciences Cognitives de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a déjà abordé plusieurs facettes de l’esprit humain dont l’origine et l’évolution de la créativité à l’été 2011.

Celle de cet été porte donc sur les esprits atypiques dont les états témoignent des potentialités de l’esprit humain. On retrouve ici d'abord des phénomènes comme les états altérés de conscience que peuvent expérimenter occasionnellement des gens autrement reconnus comme «neurotypiques». Ou encore des personnes qui ont des capacités cognitives généralement hors de portée des neurotypiques. On pense bien entendu aux capacités de calcul de certains types d’autistes, mais également à des personnes non autistes qui peuvent se souvenir pratiquement de chaque jour de leur vie ou encore à la synesthésie. À propos de ce dernier phénomène où différentes modalités sensorielles créent des associations stables et inusitées, le colloque recevra Berit Brogaard, de l’université de Miami, qui travaille entre autres sur cette question.

Quand on pense aux esprits atypiques, on pense aussi à tout ce que l’on désigne sous le concept de trouble mental ainsi qu’à la discipline qui lui est associée, la psychiatrie. Une question centrale ici est de savoir si les troubles mentaux peuvent se réduire à des troubles neurologiques. Sur cette question, le second conférencier invité au colloque, Ian Gold, de l’Université McGill, défend l’idée qu'il faut considérer les troubles mentaux au bon niveau d’organisation. Il fait l’analogie avec un tremblement de terre: on l’explique par les mouvements des plaques tectoniques et non des atomes, bien qu’en dernière analyse les plaques tectoniques sont faites d’atomes. Il est de même pour les troubles mentaux selon lui. Leur compréhension doit inclure des facteurs environnementaux et sociaux, bien qu’en dernière analyse, encore ici, ce sont des neurones (et des atomes) qui sont responsables des comportements observés (voir le deuxième lien ci-bas).

Ceux et celles qui suivent les documents que j’apporte sur le site Éloge de la suite (www.elogedelasuite.net) consacré à l’œuvre d’Henri Laborit ne seront pas surpris par cette approche dont Laborit se faisait déjà le défenseur dans les années 1970, comme le montre justement la dernière publication sur ce site intitulée: «Un système nerveux pour agir. Un système social pour empêcher d’agir?», et plus particulièrement sa dernière page qui aborde la psychose (voir le troisième lien ci-bas).

Il y a aussi la question des «étiquettes», mentionnée plus haut à propos de l’autisme. Autrement dit, les différentes «maladies mentales» des systèmes de classification comme le fameux DSM-V permettent-elles d’identifier des «espèces naturelles» («natural kinds», en anglais) ou sont-elles des choix arbitraires selon un lieu et une époque, comme l’histoire de la médecine l’a maintes fois montré? Est-il possible, finalement, de construire une science psychiatrique qui s’éloigne de la stigmatisation et de l’aliénation de ceux qui sont différents? Des questions fort complexes et non moins intéressantes qui seront débattues cet été à ce colloque, comme elles l’avaient été au Bar des sciences du 9 juin 2013 intitulé «Sommes-nous tous fous?» et que l’on peut réécouter entièrement sur le site de l’émission Les années lumière (voir le quatrième lien ci-bas).

Quant à Cognitio, si vous voulez y faire une présentation, la date limite est le 16 février prochain et toute proposition de communication ayant un lien avec les états cognitifs atypiques ou encore avec le statut de la psychiatrie est bienvenue.

Les liens:

Cognitio 2015

WHAT SCIENTIFIC IDEA IS READY FOR RETIREMENT? Mental Illness is Nothing But Brain Illness

Un système nerveux pour agir. Un système social pour empêcher d’agir?

Bar des sciences: Sommes-nous tous fous?

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