
Pour répondre aux inquiétudes de la Maison-Blanche à propos des recherches qui modifient les virus afin de les étudier, les Instituts nationaux en santé des États-Unis (NIH) ont suspendu plusieurs projets de recherche. Une décision qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur le développement de nouveaux médicaments.
À lire également
Le 5 mai dernier, le président américain Donald Trump a signé un ordre exécutif visant officiellement à mieux encadrer les expériences de « gain de fonction », soit des recherches qui consistent à modifier des virus pour leur donner de nouvelles capacités, comme une transmission plus facile. Pour s’y conformer, les Instituts nationaux en santé des États-Unis (NIH) auraient demandé aux scientifiques qui réalisent des travaux de ce genre de les arrêter complètement ou en partie, révélait la revue Science dans un article du 11 juillet. Les NIH auraient aussi proposé aux chercheurs des changements à leurs protocoles de recherche pour les rendre moins risqués.
Les expériences de gain de fonction en laboratoire ont pour objectif de mieux comprendre le fonctionnement d’un pathogène en le modifiant, afin de trouver comment mieux le combattre. L’utilité et la dangerosité associées à cette technique font toutefois l’objet de débats.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
Les préoccupations concernant les recherches de gain de fonction ont commencé en 2011 quand des scientifiques ont modifié le virus de la grippe aviaire pour lui permettre de se transmettre plus facilement chez les mammifères. Ces travaux avaient alors été interrompus pour reprendre quelques années plus tard avec la mise en place de nouvelles règles de sécurité.
Plus récemment, la pandémie de COVID-19 a remis cet enjeu au premier plan. En effet, certains scientifiques et politiciens républicains, dont le président Trump, croient que ce sont des expériences de gain de fonction qui seraient responsables de l’émergence du coronavirus à l’origine de la pandémie. Cette hypothèse du virus créé en laboratoire a toutefois été largement discréditée dans les dernières années (ici et ici).
Malgré tout, ce sont 40 projets qui ont été récemment déterminés comme problématiques par les NIH et 172 autres à l’étude pourraient connaître le même sort, d’après Science. Près de la moitié concernaient des études sur la tuberculose. Les autres pathogènes visés comprenaient le virus de la COVID-19, de l’influenza, de la dengue et le virus Zika.
Des directives ambiguës
Selon les scientifiques interrogés par Science, l’ordre exécutif est trop vague et général : il est ainsi difficile de déterminer quels projets seront mis en pause. De plus, aucune analyse des risques et des bénéfices des projets de recherche ne semble avoir été réalisée. Selon les informations citées dans l’article, 17 projets auraient été suspendus « par mesure de précaution ». Parmi eux, on retrouve autant des expériences à risque élevé que des expérimentations de routine qui comportent peu de dangers.
Par exemple, l’une des études suspendues porte sur des anticorps protecteurs contre deux virus mortels, et ce, malgré le fait que les chercheurs n’utilisent pas les virus eux-mêmes dans leurs expériences. Un projet qui avait pour objectif de modifier le virus de la grippe afin de traiter le cancer a aussi été interrompu.
Certaines des expériences qui sont visées par les NIH sont essentielles pour développer de nouveaux médicaments ou vaccins. Ces nouveaux critères ambigus appliqués de façon unilatérale pourraient ainsi diminuer notre capacité à réagir à de nouvelles menaces infectieuses, conclut un des experts interrogés par Science.