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On parle de science et de cinéma ce mois-ci sur Science-Presse. J’en profite pour vous lancer une question provocante: est-ce que Gravity est de la vulgarisation scientifique ? Et Avatar? Et 2001? Et The Big Bang Theory? Et CSI? Je suggérerais: oui à toutes ces questions.

C’est une réponse controversée. Imaginez. Même parmi des scientifiques qui sont d’habiles vulgarisateurs, on en trouve pour qui toute forme de vulgarisation qui s’éloigne de la transmission classique du savoir, est une simplification inacceptable. Osons dire le mot: une trahison. Alors imaginez la fiction.

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Mais je pense que c’est mal poser le problème.

À titre d’exemple, personne n’espérait que les spectateurs de l’énigmatique télésérie Lost aient appris quelque chose en physique. Mais il s’est produit pendant quelques années un phénomène étonnant: dans les forums où les fans jonglaient avec des théories sur les tours et détours du scénario, certains ont mis sur la table des explications —et des références solides— en vertu desquelles la physique des trous de ver, l’effet Casimir ou la matière exotique, auraient pu expliquer ceci ou cela. Les créateurs de Lost sont parvenus, juste en distribuant quelques miettes, à susciter des discussions passionnées. Et à rendre soudain la physique intéressante pour des gens... qui l’avaient peut-être trouvée ennuyeuse à l’école.

Et je suis sûr que quelques scènes-clefs dans Gravity ont fait davantage chez certains pour susciter la curiosité que les heures à essayer de comprendre la physique gravitationnelle quand ils avaient 15 ans.

Mais vous l’aurez compris, je parle ici moins de transfert de connaissances que d’éveil à la curiosité. Ce que la science dans la science-fiction nous révèle, c’est une différence fondamentale entre l’enseignement et la vulgarisation. Le premier a un programme à suivre. La vulgarisation, elle, a un immense champ de possibles. Certes, la vulgarisation peut elle aussi être didactique. Mais elle est à son meilleur lorsqu’elle s’échappe et expérimente: par l’écriture comme dans le journalisme scientifique. Par l’image, le son. Par le jeu. Ou par la fiction.

Je soupçonne que le malaise, lorsqu’on associe vulgarisation et fiction, est en fait une extension du même malaise qu’ont certains face à la vulgarisation dans son ensemble: une perte de contrôle. Avec l’enseignement, on peut décider du contenu qui sera transmis, du haut vers le bas. Mais avec la vulgarisation, c’est foutu: le lecteur ou l’auditeur n’est pas captif. Il faut ajuster, altérer, s’adapter à chaque public. Avec la fiction, c’est pire, puisque le public n’y vient même pas avec l’intention d’apprendre quelque chose. Ce n’est pas non plus l’objectif premier de Gravity ou de 2001.

Et pourtant, des études ont révélé l’existence d’un «effet CSI» chez les jurés, soit la tendance à demander plus de preuves scientifiques lors d'un procès. Des groupes ont associé une hausse de l’intérêt pour la physique chez les jeunes avec The Big Bang Theory. Des astronautes comme Chris Hadfield ont raconté leur enthousiasme de jeunesse pour Star Trek.

Émerveiller, susciter l’intérêt, titiller la curiosité : c’est déjà beaucoup, non?

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