Depuis la découverte par l’équipe du Dr Lyle Whyte de la vie dans la glace de l’Arctique, des équipes de scientifiques de plusieurs pays y retournent pour vérifier si les microbes qui s’y trouvent pourraient aussi vivre sur Mars et sur les lunes de Jupiter et Saturne. Le hic : pas de photosynthèse possible loin sous la glace, eau liquide fortement salée, peu d’oxygène, etc. D’autres stratégies des extrêmophiles terriens pourraient-elles aussi se développer ailleurs ?
Sélectionnée par le magazine Québec Science comme une des dix découvertes majeures de 2022, elle a fait l’objet d’une conférence au Cœur des sciences de l’UQAM, en février 2023 par Lyle Whyte, un chercheur de l’Université McGill.
Le scientifique y a parlé de cryomicrobiologie, une science qui étudie les formes de vies pouvant se développer dans le froid des régions polaires. Le Dr. Whyte fait le pont entre la microbiologie extrêmophile, les microbes habitant des environnements extrêmes et l’astrobiologie.
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Il a pris pour exemple l’océan de 200 km de profondeur sous la banquise glacée de la lune Europa, qui orbite autour de la planète Jupiter. Deux missions vers cette lune sont prévues dans la prochaine décennie. Dans un premier temps, un survol à basse altitude (flyby) sera réalisé par la mission Europa Clipper. L’autre mission pourrait faire atterrir une sonde dans les années 2030, pour détecter des biosignatures.
Une biosignature est selon le Dr Whyte « un signal chimique ou physique qui ne peut avoir été formé que par la vie dans des minéraux argileux et la présence de sulfates et de carbonates ». Il illustre son propos avec les biosignatures dans les cryovolcans de la lune Encelade de la planète Saturne. La sonde Cassini et les images du télescope spatial Hubble ont prouvé la présence d’eau et de substances organiques dans les éjections. D’autres découvertes pourraient survenir avec l’exploration de Mars par les rovers américains et européens.
La communauté des astrobiologistes sait que, sur la surface de Mars, se trouvaient de grandes étendues d’eau liquide il y a 3 à 4 milliards d’années. Encore aujourd’hui, les sondes américaines détectent un environnement susceptible de conserver des biosignatures dans d’anciens lacs et rivières de cette planète.
Des microbes peuvent-ils vivre dans des environnements extrêmes comme sur Mars? La réponse positive nous vient du résultat de recherches en cours dans les régions polaires sur Terre, dont celle de l’équipe du Dr Whyte.
Devant un public curieux, rassemblé dans l’amphithéâtre du Cœur des sciences de l’UQAM, le conférencier a révélé la découverte de microbes extrêmophiles sur l’île d’Axel Heiberg au Nunavut. Le champion de ces extrêmophiles a été repéré dans un film de saumure, dans le pergélisol. Cette structure de microbes évoluait à une température de -15 degrés Celsius, dans de l’eau liquide contenant 18% de sel. Ils peuvent métaboliser à aussi peu que -25 degrés Celsius dans la source Lost Hammer, saturée de sel, en absence d’oxygène et sans possibilité de photosynthèse. Cette découverte fait dire au Dr Whyte que « ces microbes sont équipés pour survivre au grand froid » dans cette source, proche de la surface glacée du Nunavut.
Des exemples de ces super microbes ont été envoyés à l’Agence spatiale européenne (ESA). Ils permettront de tester les instruments du futur rover Exomars, destiné à identifier des biosignatures sur Mars. Le Dr Whyte estime que des environnements semblables pourraient être découverts sur Mars et que la preuve se trouverait sous la surface hostile de la planète. Telles sont les missions actuelles du rover Perseverance et du prochain Exomars, investiguant soit dans le cratère Jezero (ancien lit d’un lac et d’une rivière) un endroit de dépôts d’argile, de sulfates et de carbonates qui ont été détectés et dans la région d’Oxia Planum (un ancien bassin versant). Selon l’hypothèse du chercheur, la sonde devra forer un trou de 1 à 2 mètres de profondeur, ce que le rover Exomars aura la capacité de faire.
Un autre élément fait croire à un environnement favorable aux super microbes. La caméra Hirise de la sonde MRO, orbitant depuis plusieurs années autour de Mars, a détecté en 2018 un bassin d’eau liquide, fortement salée, proche du pôle sud de la planète, mais loin sous sa surface.
Aurons-nous la preuve d’une signature biologique sous la surface de Mars, sur les lunes Europa et Ancelade? C’est à suivre!
Sources : Université McGill, NASA, ESA, Le Devoir, Québec Science.